lundi 16 novembre 2009

Noir Express : "Sous le signe du rosaire (Le retour)" (C. C. XIII) par Alain Pecunia, Chapitre 10

Chapitre 10





Le commissaire principal Derosier n’arrêtait pas de répéter : « C’est bien ennuyeux. » Sur tous les tons. Au point qu’on aurait pu croire qu’il prenait des cours de diction.
Isabelle Cavalier avait entraîné une demi-heure plus tôt le lieutenant Toussaint avec elle dans le bureau du commissaire.
Dès qu’elle eut nommé Philippe-Henri Dumontar, le commissaire s’était aussitôt lancé dans sa litanie.
Lui aussi devait savoir qu’il se retrouverait dans le collimateur des médias. Fin novembre dernier, il avait échappé de peu à la démission forcée lors de l’arrestation de son fils pour « proxénétisme aggravé »*. Alors, cette fois-ci, avec toute la brigade « mouillée »…
Un silence pesant s’établit à la fin de l’exposé du capitaine Cavalier.
Derosier hocha gravement la tête.
Isabelle Cavalier était livide et avait les traits creusés. S’efforçant de rester pro jusqu’au terme de la procédure.
– Dès que j’aurai entendu le témoin, je procéderai à l’arrestation du suspect, monsieur, dit-elle d’une traite.
– Vous êtes sûre du témoin ? demanda le commissaire. Car nous n’avons que sa description vague d’un suspect pour nous remettre sur cette piste.
Il s’adressait au capitaine Cavalier, mais le lieutenant Toussaint crut bon d’intervenir.
Il rongeait son frein depuis le début de la matinée et n’avait qu’une hâte. Arrêter ce salopard qu’il avait débusqué !
– C’est quelqu’un de sûr, monsieur, c’est un ancien policier, lâcha-t-il d’un ton plein d’assurance.
Isabelle Cavalier ne se souvenait pas d’avoir lu cette précision dans le rapport. « Encore quelque chose qui m’a échappé ! » se dit-elle avec amertume.
Derosier regarda par-dessus ses lunettes ce lieutenant qui lui était antipathique. Trop jeune loup aux dents longues à son goût.
Il avait envie à la fois de lui donner une leçon et de gagner du temps pour réfléchir aux implications de la mise en accusation de Philippe-Henri Dumontar.
– Écoutez, dit-il, entendez ce témoin, mais, moi, je veux plus de preuves. Alors on n’arrête pas Dumontar tout de suite…
– Mais il peut commettre d’autres crimes entre-temps ? protesta le lieutenant.
– Non, lieutenant, car vous allez le filer vingt-quatre heures sur vingt-quatre, lâcha le commissaire sur un ton patelin.
Isabelle Cavalier lança un bref regard de remerciement à son supérieur.
La pendulette du bureau indiquait onze heures trente.

* Voir Pleurez, petites filles...



© Alain Pecunia, 2009.
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