mercredi 4 novembre 2009

Noir Express : "Sous le signe du rosaire (Le retour)" (C. C. XIII) par Alain Pecunia, Chapitre 2 (suite et fin)

Chapitre 2 (suite et fin)





Isabelle Cavalier retourna dans son bureau et demanda à un lieutenant récemment débarqué à la Crim, Matthieu Toussaint, trente et un ans, de jeter un regard neuf sur les anciens dossiers concernant le tueur au « collier de perles ».
– C’est curieux, dit le lieutenant deux heures plus tard, mais le signalement de l’assassin donné par le témoin fait penser à ce vieux prof qui avait été soupçonné après l’assassinat de la petite Dumontar au bois de Boulogne le 14 juillet 96…
Isabelle Cavalier eut l’impression d’avoir reçu un violent coup au plexus. Elle manqua d’air et se retint des deux mains au rebord du bureau pour ne pas vaciller.
Le lieutenant la regardait avec étonnement.
– Quelque chose qui ne va pas, capitaine ? demanda-t-il avec une légère pointe d’inquiétude.
Isabelle Cavalier s’efforçait de se ressaisir. Il fallait absolument qu’elle dise quelque chose.
– Ce n’est rien, lieutenant. C’est la fatigue.
– Ah !
– Quant à ce professeur qui fut soupçonné, M. Philippe Dumontar, il a été mis totalement hors de cause par la suite. C’était une fausse piste et c’est mon approche du sujet qui nous a permis à l’époque de l’écarter comme principal suspect…
Pourquoi avait-elle dit « principal suspect » au lieu de « suspect » tout court ? C’était stupide. Cela pouvait laisser croire qu’il pouvait toujours faire un éventuel suspect.
– D’ailleurs, s’empressa-t-elle de poursuivre, c’est parce que nous avons passé trop de temps derrière ce professeur à vouloir le coincer que nous avons loupé l’assassin en négligeant les autres pistes…
– Lesquelles ? demanda le lieutenant zélé.
Isabelle Cavalier resta un instant interdite. C’était une bonne question. Car il n’y avait jamais eu d’« autres » pistes.
– Celles que l’on aurait pu éventuellement trouver, lieutenant, dit-elle d’un ton qu’elle voulut dégagé.
– Pourtant, insista le lieutenant, il n’y avait pas d’autre piste que celle-là…
Une boule d’angoisse et de doute se mit à yoyoter dans le gosier du capitaine Cavalier.
Quand elle avait téléphoné à Phil en fin de matinée pour l’inviter à réveillonner, elle lui avait trouvé une voix bizarre.
Il avait décliné l’invitation en disant qu’il se sentait patraque.
– Tu devrais voir un médecin, lui avait-elle dit.
– Non, non, ça ira. Je ferai un petit tour dans le quartier cet après-midi pour prendre l’air et je me coucherai de bonheur ce soir.
– Mais promets-moi de venir demain midi si tu te sens mieux ?
– Je ne te promets rien, Isa.
Jamais Phil ne lui avait parlé ainsi. Quelque chose devait le contrarier ou alors il était réellement mal-en-point.
– Écoute, avait-elle ajouté anxieuse, je ferai un saut chez toi…
– Non, l’avait-il coupée, j’ai envie d’être seul, Isa.
Isabelle Cavalier avait failli en pleurer de déception.
Jamais Phil, le père qu’elle avait adopté et qui était devenu, par voie de conséquence, le parrain et le « grand-père » de sa petite Philippine, l’homme qu’elle chérissait le plus après son mari, ne l’avait traitée aussi cavalièrement.
Elle avait eu l’impression de l’avoir importuné, dérangé même.
Le lieutenant toussota. Il semblait attendre une réponse de sa part.
– La piste a définitivement été écartée, lieutenant. Cet homme est devenu un de mes proches et l’ami de la plupart de mes amis policiers. Nous le tenons tous en grande estime. Alors, oubliez-le…
Isabelle Cavalier était surprise d’avoir mis si peu de conviction dans son ton. Elle d’habitude si prompte à reprendre la moindre critique à l’égard de Philippe Dumontar.



© Alain Pecunia, 2009.
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