lundi 10 septembre 2007

Noir Express : Nouvel extrait de "La petite fille sans nom" par Alain Pecunia

Ce nouvel extrait est constitué par le poème final qui clôt le conte.
Ce poème a eu une histoire singulière car, une amie dramaturge l'ayant lu dans une MJC, il fit le tour de celles-ci au début des années 1980 de façon anonyme, ce qui est un beau succès pour un poème.
Etait-il mérité et le mériterait-il toujours ?

Ô rêve
Etoile qui jalonne ma route
Où je vais titubant
Tantôt te perdant
Tantôt te redécouvrant au détour
Sans cesse me relevant
Mon visage tourné vers toi
Où me mènes-tu
Croyant suivre ma propre route
En cheminant dans ta direction
N’es-tu que chimère
Ou ne suis-je qu’insensé
Me troubles-tu
Ou m’aveuglé-je seul
Puisque mille et mille barrières
Se dressent vertigineux à-pics
Me faisant traverser mille et mille traverses
Chaque fois croyant m’approcher
Chaque fois m’éloignant
Et pourtant cheminant après toi
Rêve étoilé
Pays des rêves
Où nul jamais ne titube
Ni ne s’égare ni ne doute
Où quiconque se tient face aux cieux
Sans terreur aucune
Ni ne plie l’échine
Où nul ne saurait blesser
Ni être blessé
Où quelque enfant ne saurait désespérer
Ni son visage se plisser
Où toute joie ne serait que pur cristal
Et larme rosée des prés à la vêprée



Ô mon pays des rêves
Pour lequel je vais titubant
Sous les frimas et les rafales
Tanguant sur les plaines
Me desséchant dans les déserts
Frissonnant dans l’obscur des forêts
Me désaltérant tantôt au mille sources de la vie
Puis tombant en désespérants vertiges
Mon doux pays
Terre promise de ma tribu
Plainte gémissante d’espoir
Espérance sans cesse rejetée
Vers laquelle je chemine en sa compagnie
Existes-tu
Chimère tu es
Insensé suis-je
Folle la tribu de tant de douleur et d’espérance



Et pourtant tu es en vérité
Puisque des hommes
Se dressant et marchant
Te veulent et te fondent
Par la force même de leur rêve
Et grande est ma tribu
Et royal ce chemin
Puisqu’ils savent avoir foi en eux
Et ô mon doux rêve
Jamais je ne pourrai me désespérer un long temps
Tant qu’un homme saura se dresser face aux cieux
Droit et fier
Par le seul fait de n’être qu’un homme
Et de savoir l’être
Car sans cesse les hommes sauront se relever
Reprenant ton chemin
Pays des rêves
Autant qu’un seul d’entre eux
Se souviendra que le bonheur est d’ici-bas
Que la justice est ici et maintenant
Qu’un cœur ne peut être encagé
Que l’esprit vole par-delà les montagnes
Que quiconque est une personne
Que tout être appelle en soi la dignité et le respect
Car les puissants n’ont de puissance
Qu’en leurs tromperies et violences
En notre ignorance et aveuglement
Les États et les royaumes se fondent sur le mépris et
l’arrogance
Quiconque opprime et domine est hors la loi
La liberté sans cesse sera à conquérir
L’égalité et la dignité à défendre pied à pied
Et que lorsque le pays des rêves sera atteint
Toute tribu oubliant cette loi retomberait en esclavage



Et pour cela le chemin est à poursuivre
Ne serait-ce que pour toi
Petite fille blottie contre mon épaule
Cœur résonnant contre le mien
Corps fiévreux et plein de sève
Innocence dont le nom est vie
Écoutant
Tantôt avec joie
Tantôt avec effroi
L’histoire que je vais te contant
Pour que tu oublies ta faim et tes frayeurs
À la poursuite de ce pays des rêves où je te mène
Toi, moi et notre tribu

© Alain Pecunia, 2007.
Tous droits réservés.

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