Chapitre 16
Le vendredi midi, le lieutenant Lenoir et le capitaine Cavalier se retrouvèrent comme convenu au Relais angevin, rue Cler. Avec, bien sûr, Philippe-Henri qui était en vacances depuis la veille.
Les deux hommes n’avaient pas quitté l’appartement depuis la veille et Lenoir n’avait rien noté d’anormal sur le chemin du restaurant.
Assis tous trois dans le fond de la salle à une table isolée, Isabelle expliqua l’essentiel de son plan.
– Nous agirons dimanche matin à huit heures. Gilbert, je passe te prendre à sept heures trente chez Phil. Je prendrai la voiture de Pierre pour qu’on tienne à cinq, conclut-elle. Tu vois quelque chose qui cloche ?
Gilbert Lenoir dit que non. Que tout semblait OK.
Isabelle revint chez elle vers dix-neuf heures. Auparavant, elle était repassée au service sous le prétexte d’une autre affaire en cours sur laquelle elle détenait quelques informations qui pouvaient intéresser le commandant en charge du dossier. En fait, pour vérifier quelques éléments essentiels et après avoir promis au patron de boucler définitivement en début de semaine le dossier des cinq meurtres non élucidés. Au grand soulagement du commissaire principal Derosier qui l’en félicita.
Elle trouva un Pierre des plus moroses. Qui attaqua avant même qu’elle eût retiré son blouson et ôté son holster.
– C’est quoi cette histoire de protection de Phil ?
Elle était étonnée de la question. Phil était-il « filé » ? Ou elle-même ?
– Je ne vois pas ce que tu veux dire, lança-t-elle d’un air faussement détaché.
– Ne fais pas l’idiote ! Tu sais très bien de quoi je parle. Le petit Lenoir qui ne le lâche pas et qui loge chez lui… C’est quoi comme embrouille ?
Isabelle poussa un gros soupir.
– Primo, je suis ta femme. Secundo, tu continues sur ce ton-là et je demande le divorce…
– Excuse-moi, mais c’est l’affolement « en haut ». Ils ne comprennent plus ton jeu. Je les ai eus sur le dos tout l’après-midi. Je les avais assurés de ta coopération…
– C’est très bien, mon chéri, tu as bien fait, lui dit-elle tout en commençant de mettre la table.
Le commandant Pierre Cavalier se sentait déstabilisé.
Sa femme le menait en bateau et elle fonçait droit dans le mur.
Qu’avait-elle mijoté ?
– Dis, Isa, lui demanda-t-il tendrement, tu ne vas pas faire de bêtise ?
– Bien sûr que non, mon chéri. J’ai charge d’âmes et je n’ai pas envie de voir ma fille mourir…
Pierre sursauta.
– De quoi parles-tu ?
– Tiens, tu ne connais pas cette histoire, toi qui navigues dans la flicaille politique !
– Celle du Président ?
– Oui, celle du Président au-dessus de tout soupçon et qui se retrouve mis un jour devant de très anciens souvenirs par un maître chanteur indélicat et surtout imprudent. Le maître chanteur détient des preuves de ce qu’il avance. Il demande – normal – une forte somme pour prix de son silence. Un service inconnu à l’organigramme de la République lui demande la restitution immédiate des preuves en échange de rester en vie. Le maître chanteur rit. Si on le tue, les preuves seront remises à la presse. Tu te souviens du reste ?
– C’est une légende qui court, dit Pierre en haussant les épaules.
– Comme tu voudras… Donc, notre maître chanteur a une femme et deux enfants. Un petit garçon de sept ans et une petite fille de trois ou quatre ans – l’âge de notre fille. Alors, la petite fille a un accident. Elle meurt. Un homme du service inconnu appelle le maître chanteur. « Tu nous remets les preuves, sinon, la prochaine fois, c’est ton fils. Ensuite ta femme… » Le maître chanteur leur a remis immédiatement les preuves.
– Mais pourquoi me racontes-tu ça ? demanda Pierre en s’énervant.
Isabelle haussa les épaules et fit une moue désabusée.
– Pour que tu comprennes que je sais parfaitement de quoi sont capables tes gugusses « d’en haut ». Et que tu comprennes aussi qu’on ne touchera pas un cheveu de Phil et que je ne laisserai pas assassiner ma môme.
Pierre était accablé. Il s’attendait à présent au pire.
Elle le regarda avec son air pitoyable. Elle en éprouvait de la pitié. « Reprends-toi, la pitié, en amour, c’est comme le glas qui sonne. »
Elle voulait lui donner encore une dernière chance.
– Maintenant, on n’en parle plus. Tu sais que je t’aime, que je tiens à toi. Alors, choisis ton camp.
Pierre Cavalier opina silencieusement.
Le message était passé.
– Au fait, ajouta Isabelle d’un ton détaché en retournant prendre un plat dans la cuisine, dimanche j’ai besoin de ta voiture. Je te laisserai la mienne.
– Pour quoi faire ?
– Tu es de service, moi pas. Alors j’ai envie de m’aérer, de changer d’atmosphère… J’emmène la petite.
– Mais, Isa…, commença-t-il
– T’occupe ! le coupa-t-elle. Tu as jusqu’à dimanche matin pour faire ton choix. En attendant, tu dors sur le canapé et moi dans le lit avec ma fille.
© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.
Le vendredi midi, le lieutenant Lenoir et le capitaine Cavalier se retrouvèrent comme convenu au Relais angevin, rue Cler. Avec, bien sûr, Philippe-Henri qui était en vacances depuis la veille.
Les deux hommes n’avaient pas quitté l’appartement depuis la veille et Lenoir n’avait rien noté d’anormal sur le chemin du restaurant.
Assis tous trois dans le fond de la salle à une table isolée, Isabelle expliqua l’essentiel de son plan.
– Nous agirons dimanche matin à huit heures. Gilbert, je passe te prendre à sept heures trente chez Phil. Je prendrai la voiture de Pierre pour qu’on tienne à cinq, conclut-elle. Tu vois quelque chose qui cloche ?
Gilbert Lenoir dit que non. Que tout semblait OK.
Isabelle revint chez elle vers dix-neuf heures. Auparavant, elle était repassée au service sous le prétexte d’une autre affaire en cours sur laquelle elle détenait quelques informations qui pouvaient intéresser le commandant en charge du dossier. En fait, pour vérifier quelques éléments essentiels et après avoir promis au patron de boucler définitivement en début de semaine le dossier des cinq meurtres non élucidés. Au grand soulagement du commissaire principal Derosier qui l’en félicita.
Elle trouva un Pierre des plus moroses. Qui attaqua avant même qu’elle eût retiré son blouson et ôté son holster.
– C’est quoi cette histoire de protection de Phil ?
Elle était étonnée de la question. Phil était-il « filé » ? Ou elle-même ?
– Je ne vois pas ce que tu veux dire, lança-t-elle d’un air faussement détaché.
– Ne fais pas l’idiote ! Tu sais très bien de quoi je parle. Le petit Lenoir qui ne le lâche pas et qui loge chez lui… C’est quoi comme embrouille ?
Isabelle poussa un gros soupir.
– Primo, je suis ta femme. Secundo, tu continues sur ce ton-là et je demande le divorce…
– Excuse-moi, mais c’est l’affolement « en haut ». Ils ne comprennent plus ton jeu. Je les ai eus sur le dos tout l’après-midi. Je les avais assurés de ta coopération…
– C’est très bien, mon chéri, tu as bien fait, lui dit-elle tout en commençant de mettre la table.
Le commandant Pierre Cavalier se sentait déstabilisé.
Sa femme le menait en bateau et elle fonçait droit dans le mur.
Qu’avait-elle mijoté ?
– Dis, Isa, lui demanda-t-il tendrement, tu ne vas pas faire de bêtise ?
– Bien sûr que non, mon chéri. J’ai charge d’âmes et je n’ai pas envie de voir ma fille mourir…
Pierre sursauta.
– De quoi parles-tu ?
– Tiens, tu ne connais pas cette histoire, toi qui navigues dans la flicaille politique !
– Celle du Président ?
– Oui, celle du Président au-dessus de tout soupçon et qui se retrouve mis un jour devant de très anciens souvenirs par un maître chanteur indélicat et surtout imprudent. Le maître chanteur détient des preuves de ce qu’il avance. Il demande – normal – une forte somme pour prix de son silence. Un service inconnu à l’organigramme de la République lui demande la restitution immédiate des preuves en échange de rester en vie. Le maître chanteur rit. Si on le tue, les preuves seront remises à la presse. Tu te souviens du reste ?
– C’est une légende qui court, dit Pierre en haussant les épaules.
– Comme tu voudras… Donc, notre maître chanteur a une femme et deux enfants. Un petit garçon de sept ans et une petite fille de trois ou quatre ans – l’âge de notre fille. Alors, la petite fille a un accident. Elle meurt. Un homme du service inconnu appelle le maître chanteur. « Tu nous remets les preuves, sinon, la prochaine fois, c’est ton fils. Ensuite ta femme… » Le maître chanteur leur a remis immédiatement les preuves.
– Mais pourquoi me racontes-tu ça ? demanda Pierre en s’énervant.
Isabelle haussa les épaules et fit une moue désabusée.
– Pour que tu comprennes que je sais parfaitement de quoi sont capables tes gugusses « d’en haut ». Et que tu comprennes aussi qu’on ne touchera pas un cheveu de Phil et que je ne laisserai pas assassiner ma môme.
Pierre était accablé. Il s’attendait à présent au pire.
Elle le regarda avec son air pitoyable. Elle en éprouvait de la pitié. « Reprends-toi, la pitié, en amour, c’est comme le glas qui sonne. »
Elle voulait lui donner encore une dernière chance.
– Maintenant, on n’en parle plus. Tu sais que je t’aime, que je tiens à toi. Alors, choisis ton camp.
Pierre Cavalier opina silencieusement.
Le message était passé.
– Au fait, ajouta Isabelle d’un ton détaché en retournant prendre un plat dans la cuisine, dimanche j’ai besoin de ta voiture. Je te laisserai la mienne.
– Pour quoi faire ?
– Tu es de service, moi pas. Alors j’ai envie de m’aérer, de changer d’atmosphère… J’emmène la petite.
– Mais, Isa…, commença-t-il
– T’occupe ! le coupa-t-elle. Tu as jusqu’à dimanche matin pour faire ton choix. En attendant, tu dors sur le canapé et moi dans le lit avec ma fille.
© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire