Chapitre 11
Dès le lendemain matin, en arrivant dans le service, la première impulsion d’Isabelle fut de se plonger dans les divers fichiers auxquels elle avait accès. Mais elle craignit de se faire identifier. Et il n’était pas question de confier cette recherche à quiconque. Elle était persuadée que tout fonctionnaire de police qui se mettrait à pianoter « Dutour » serait immédiatement repéré, identifié et mis en danger.
De toute façon, se dit-elle, « raison d’État » équivaut toujours à « secret d’État », gros ou petit. Et elle se jura de percer ce secret.
Quel rapport peut-il exister entre Euh-Euh et l’État ?
Il n’est ni un espion à la solde d’une puissance étrangère – c’est l’évidence même – ni un trublion menaçant l’ordre public – nouvelle évidence.
Il s’agit donc d’un rapport quelconque existant entre Euh-Euh et un de nos princes qui nous gouvernent.
Mais que venait faire Euh-Euh dans le dossier d’enquête ?
Simple témoin muet, il ne gênait personne.
D’ailleurs, il n’existait aucun Dutour en politique, que ce soit sur le devant de la scène ou en coulisse.
Meurtrier, se surprit-elle à penser, ce serait déjà différent.
Cette idée lui était désagréable, aussi désagréable que celle qu’elle avait éprouvée lors de l’enquête – alors qu’elle n’était encore que lieutenant – sur le tueur « au collier de perles », le « Père Noël tueur », et que Philippe-Henri Dumontar avait été faussement suspecté par ses supérieurs, lui le meilleur des hommes*.
Mais elle était payée pour avoir des idées désagréables.
De toute façon, s’il existait un lien quelconque entre Euh-Euh et un homme politique, ça sentait la grosse – et même grossière – machination pour perdre cet homme.
Dans les faits, si elle faisait le tri parmi toutes les infos que lui avaient livrées Pierre volontairement ou inconsciemment, tout donnait à penser qu’une officine quelconque avait projeté de transformer Euh-Euh en principal suspect – qui ne pourrait d’ailleurs jamais se défendre – pour exercer une pression sur cet homme politique.
C’était un coup foireux.
Mais quel lien peut-il exister entre un jeune homme de vingt-trois ans et un homme politique de premier plan.
De droite ou de gauche ?
« Les deux », lui avait dit Pierre hier soir.
La droite est au pouvoir, se dit Isabelle Cavalier. S’il y a eu accord au sommet entre la droite et la gauche, c’est que ça concerne un homme de gauche.
– Touché ! dit-elle à haute voix. C’est une affaire Mazarine !
Elle était consternée par sa propre conclusion. Elle aurait même aimé l’oublier aussitôt.
La « fille cachée » du Président Mitterrand n’était plus qu’une lointaine anecdote estompée par d’autres scandales et quelques guerres.
Et, si elle pensait juste, ce n’était pas Euh-Euh qui se trouvait en danger immédiat. Mais quiconque pourrait révéler ce lien caché.
Isabelle Cavalier était persuadée que ce lien occulté liait Euh-Euh et le nouveau présidentiable qui émergeait à gauche des rangs des Verts. Il était le plus jeune des concurrents et semblait avoir la faveur des sondages à gauche.
Le « pouvoir » passe un marché avec le candidat.
Il fait tout pour disparaître au bon moment de la course présidentielle et laisser sa place à un second couteau, permettant ainsi à la France de s’offrir un Président du quatrième âge – le rêve de tout pays de vieux.
Sinon, on le détruit en révélant son « fils caché ».
« Le candidat de la gauche a abandonné son fils mongolien »… Cela pouvait être décliné à l’infini. « La gauche gogole » – pour l’extrême droite –, « La gauche trisomique » – pour la droite.
La gauche, elle, elle se tairait. Les plus suicidaires dans ses rangs essayant de rattraper le coup pour mieux enfoncer leur camp.
Évidemment, dans tout ce bon plan à l’allure classique, il y avait un hic.
Il était absolument fondamental que personne – flic, juge ou journaleux – ne révèle ce lien. Sinon, plus de plan.
Et il ne fallait pas qu’il meure. Du moins avant les élections présidentielles.
Elle comprenait mieux le sens de la pression des gens « d’en haut » à son égard. Le pouvoir en place allait tout faire pour protéger Euh-Euh, à la fois son anonymat et sa vie.
À défaut d’idées neuves, il tenait là la machination parfaite.
La gauche, elle, avait intérêt à sa « disparition ».
Plus de Euh-Euh, plus d’épée de Damoclès.
Mais faire disparaître Euh-Euh, cela revenait pour elle à se jeter pieds et poings liés dans les bras du pouvoir. Surtout si ça manquait de discrétion.
C’était le nœud coulant parfait pour étrangler le candidat de gauche ayant le plus de chances de succès.
Isabelle Cavalier était très satisfaite d’elle.
Dès le lendemain matin, en arrivant dans le service, la première impulsion d’Isabelle fut de se plonger dans les divers fichiers auxquels elle avait accès. Mais elle craignit de se faire identifier. Et il n’était pas question de confier cette recherche à quiconque. Elle était persuadée que tout fonctionnaire de police qui se mettrait à pianoter « Dutour » serait immédiatement repéré, identifié et mis en danger.
De toute façon, se dit-elle, « raison d’État » équivaut toujours à « secret d’État », gros ou petit. Et elle se jura de percer ce secret.
Quel rapport peut-il exister entre Euh-Euh et l’État ?
Il n’est ni un espion à la solde d’une puissance étrangère – c’est l’évidence même – ni un trublion menaçant l’ordre public – nouvelle évidence.
Il s’agit donc d’un rapport quelconque existant entre Euh-Euh et un de nos princes qui nous gouvernent.
Mais que venait faire Euh-Euh dans le dossier d’enquête ?
Simple témoin muet, il ne gênait personne.
D’ailleurs, il n’existait aucun Dutour en politique, que ce soit sur le devant de la scène ou en coulisse.
Meurtrier, se surprit-elle à penser, ce serait déjà différent.
Cette idée lui était désagréable, aussi désagréable que celle qu’elle avait éprouvée lors de l’enquête – alors qu’elle n’était encore que lieutenant – sur le tueur « au collier de perles », le « Père Noël tueur », et que Philippe-Henri Dumontar avait été faussement suspecté par ses supérieurs, lui le meilleur des hommes*.
Mais elle était payée pour avoir des idées désagréables.
De toute façon, s’il existait un lien quelconque entre Euh-Euh et un homme politique, ça sentait la grosse – et même grossière – machination pour perdre cet homme.
Dans les faits, si elle faisait le tri parmi toutes les infos que lui avaient livrées Pierre volontairement ou inconsciemment, tout donnait à penser qu’une officine quelconque avait projeté de transformer Euh-Euh en principal suspect – qui ne pourrait d’ailleurs jamais se défendre – pour exercer une pression sur cet homme politique.
C’était un coup foireux.
Mais quel lien peut-il exister entre un jeune homme de vingt-trois ans et un homme politique de premier plan.
De droite ou de gauche ?
« Les deux », lui avait dit Pierre hier soir.
La droite est au pouvoir, se dit Isabelle Cavalier. S’il y a eu accord au sommet entre la droite et la gauche, c’est que ça concerne un homme de gauche.
– Touché ! dit-elle à haute voix. C’est une affaire Mazarine !
Elle était consternée par sa propre conclusion. Elle aurait même aimé l’oublier aussitôt.
La « fille cachée » du Président Mitterrand n’était plus qu’une lointaine anecdote estompée par d’autres scandales et quelques guerres.
Et, si elle pensait juste, ce n’était pas Euh-Euh qui se trouvait en danger immédiat. Mais quiconque pourrait révéler ce lien caché.
Isabelle Cavalier était persuadée que ce lien occulté liait Euh-Euh et le nouveau présidentiable qui émergeait à gauche des rangs des Verts. Il était le plus jeune des concurrents et semblait avoir la faveur des sondages à gauche.
Le « pouvoir » passe un marché avec le candidat.
Il fait tout pour disparaître au bon moment de la course présidentielle et laisser sa place à un second couteau, permettant ainsi à la France de s’offrir un Président du quatrième âge – le rêve de tout pays de vieux.
Sinon, on le détruit en révélant son « fils caché ».
« Le candidat de la gauche a abandonné son fils mongolien »… Cela pouvait être décliné à l’infini. « La gauche gogole » – pour l’extrême droite –, « La gauche trisomique » – pour la droite.
La gauche, elle, elle se tairait. Les plus suicidaires dans ses rangs essayant de rattraper le coup pour mieux enfoncer leur camp.
Évidemment, dans tout ce bon plan à l’allure classique, il y avait un hic.
Il était absolument fondamental que personne – flic, juge ou journaleux – ne révèle ce lien. Sinon, plus de plan.
Et il ne fallait pas qu’il meure. Du moins avant les élections présidentielles.
Elle comprenait mieux le sens de la pression des gens « d’en haut » à son égard. Le pouvoir en place allait tout faire pour protéger Euh-Euh, à la fois son anonymat et sa vie.
À défaut d’idées neuves, il tenait là la machination parfaite.
La gauche, elle, avait intérêt à sa « disparition ».
Plus de Euh-Euh, plus d’épée de Damoclès.
Mais faire disparaître Euh-Euh, cela revenait pour elle à se jeter pieds et poings liés dans les bras du pouvoir. Surtout si ça manquait de discrétion.
C’était le nœud coulant parfait pour étrangler le candidat de gauche ayant le plus de chances de succès.
Isabelle Cavalier était très satisfaite d’elle.
* Voir Sous le signe du rosaire.
© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.
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