vendredi 19 décembre 2008

Noir Express : Euh-Euh ! (C. C. VIII) par Alain Pecunia, Chapitre 22 (suite et fin)

Chapitre 22 (suite et fin)





La voix sourde du député Lorrinval le sortit de sa rêverie.
– Qu’attendez-vous de moi, messieurs ? Que je fasse une déclaration annonçant que je renoncerai à me présenter…
– Non, non ! Vous n’y êtes pas du tout, le coupa Pierre Cavalier.
Le député marqua son étonnement.
– Je ne comprends pas…
– Si, monsieur. Vous allez annoncer, tout simplement, votre retrait définitif de la vie politique.
Le député sembla se réveiller.
– Mais vous êtes fou ! Vous n’y songez pas ! commença à hurler le présidentiable. Vous voulez me tuer…
– Politiquement, oui, monsieur, le coupa froidement le commandant. Je ne crois pas que vous ayez le choix, d’ailleurs.
Le député était un homme rondouillard, quoique ayant à peine dépassé la quarantaine. Son surplus pondéral se mit à tressaillir quand il se leva violemment de son fauteuil Louis XVI.
– Je ne saurais tolérer de pareils propos chez moi, messieurs ! Je vous ordonne de sortir d’ici ! cria-t-il d’une voix de fausset en se dirigeant vers le téléphone.
Du regard, Pierre Cavalier avait intimé l’ordre au lieutenant Lenoir de ne pas bouger. Ce qui était de toute façon inutile car Gilbert était figé de stupéfaction. Il se sentait dépassé par la situation et avait un mauvais pressentiment.
– Si c’est pour appeler Laneureuville, l’interpella d’une voix calme Cavalier, je me permets de vous signaler que c’est totalement inutile, monsieur. Je suis là avec son accord.
Le député se retourna légèrement, l’air hagard, et s’affaissa sur la chaise d’époque devant la console supportant le poste téléphonique.
– Mais… ce n’était pas prévu… comme ça…, finit-il par balbutier.
– Oh ! vous savez, lança d’un ton fataliste le commandant, les hommes qui détiennent le pouvoir peuvent être versatiles. Ils peuvent se laisser aller à l’humeur du moment… C’est d’ailleurs le principal agrément qu’offre le pouvoir.
Le député revint s’asseoir dans le fauteuil Louis XVI. Face au commandant et au lieutenant qui n’avaient pas bougé, comme attendant son retour inéluctable.
Il avait accusé le coup mais n’était pas anéanti. Il avait du ressort. À présent, il semblait réfléchir rapidement et chercher une ultime issue. Tout en sachant que le commandant avait été clair. Que rien n’était négociable.
Il fit néanmoins une dernière tentative. Celle du désespoir.
– Et si je ne faisais pas ce que vous exigez de moi…
Pierre fit une moue dubitative et écarta les mains devant lui.
– C’est au choix, monsieur le député. Mais si vous ne faites pas cette déclaration, le dossier sur votre fils « caché » sera remis à la presse.
Le député ne sembla pas démonté par cette option.
– Je sais, monsieur le député, notre presse aime taire les enfants adultérins de nos grands hommes d’Etat. Alors, si, en plus, par le plus pur des hasards, celui-ci était le fruit d’une relation incestueuse… Dans ces cas-là, elle a une « grande conscience » de sa mission journalistique… qui peut parfois lui faire défaut par ailleurs. Mais elle ne pourra pas se taire si la presse anglo-saxonne s’en empare et…
– J’ai compris, le coupa le député.
En se levant, comme pour mettre fin à l’entretien, il demanda :
– Quand ?
– Ce soir, monsieur. Ce serait le mieux.
Pierre avait donné le signal du départ à Gilbert Lenoir et ne regarda même pas le député Lorrinval en quittant le salon.
Celui-ci s’était affalé dans son fauteuil et s’était mis à sangloter le visage dans les mains.
– Pardon, disait-il, pardon…



© Alain Pecunia, 2008.
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