Chapitre 25
À seize heures trente, Pierre Cavalier s’était décidé à appeler Laneureuville sur sa ligne spéciale.
– Ah ! Pierre, le problème est résolu, n’est-ce pas ? C’est vrai, je suis plus expéditif que vous… Mais votre coup était pas mal. Alors ?
– Je souhaite vous rencontrer, monsieur.
– Moi aussi, mon petit Pierre… Dix-huit heures trente comme d’habitude ?
– Bien, monsieur.
Ton neutre pour Cavalier. Enjoué aristo pour Laneureuville qui, descendant d’un simple baron d’Empire, en rajoutait toujours un peu dans l’affectation.
Pierre appela aussitôt sa femme. Qui semblait toujours sous le coup de l’émotion – il préféra ne pas savoir ce qu’avait pu lui raconter Gilbert qui devait être arrivé à la ferme.
– Ce n’est pas un suicide. À ce soir, ma chérie.
Il raccrocha aussitôt et vérifia son arme de service.
Mais il ne se voyait pas abattre un ministre en exercice en plein Ritz. C’eût été suicidaire.
Non, l’arme, c’était pour avoir une petite chance de survie si Pierre-Marie de Laneureuville avait lâché ses fauves après lui.
À dix-sept heures trente, Pierre arriva au Relais angevin, rue Cler.
Il attira le patron, Gérard Langlot, vers le fond de la salle et lui remit une enveloppe Kraft.
– Tu remets ça au destinataire s’il m’arrive quelque chose d’ici cette nuit. Sinon, je repasse la prendre.
Gérard Langlot lui jeta un regard inquiet.
– T’inquiète, c’est pas grave ! dit Pierre en lui tapotant l’épaule.
Il était rassuré. Langlot était plus sûr qu’un coffre en banque.
Il trouva un taxi avenue de La Motte-Picquet et arriva au bar « Vendôme » avec un quart d’heure de retard.
Ce qui exaspérerait Laneureuville. Du moins il l’espérait.
Quand il pénétra dans le bar et l’aperçut, Pierre le connaissait suffisamment pour lire dans son regard une pointe d’inquiétude.
– Champagne ? lui proposa-t-il.
– Champagne.
Après que le serveur les eut servis, le ministre le regarda patelin.
– Alors ?
Pierre lui retourna son sourire mielleux. Ce qui eut pour effet de déstabiliser « Monsieur ». Surtout quand il vit Cavalier sortir de son porte-documents une feuille de papier imprimée. Avec un court texte.
– Je vous demanderai juste une signature et de dater, monsieur, dit-il en lui tendant la feuille.
Laneureuville se rejeta en arrière comme s’il allait être piqué par la feuille.
– C’est quoi ? lâcha-t-il d’un ton rogue.
– Un sauf-conduit, monsieur.
Pierre-Marie de Laneureuville daigna saisir la feuille mais la rejeta vivement sur la table après en avoir lu les premières lignes.
– Je ne peux pas signer ça ! Etes-vous devenu fou ?
– Non. Sage, monsieur.
– Mais c’est du chantage ?
– Le plus abject, monsieur, j’en conviens. Mais j’ai été à bonne école, avec vous…
Le ministre ne se contenait plus. Non seulement il avait été ferré, mais il se retrouvait en pleine nasse.
Pierre Cavalier lui tendit à nouveau la feuille.
Laneureuville la lut à contrecœur.
Il n’avait pas le choix. Il le savait s’il voulait continuer de survivre politiquement.
Il relut le texte :
« Moi, Pierre-Marie de Laneureuville, reconnaît avoir organisé l’assassinat de Pierre Tombre la nuit du 23 juillet 1965 et celui de mon frère Jean-Louis de Laneureuville le 19 juin 1966*. »
Il se décomposait.
– Mais quel rapport avec l’affaire qui nous occupe… ? balbutia-t-il. Je ne vois pas…
– En ce qui concerne l’affaire en cours, monsieur, il y a suffisamment de monde au courant et en possession du scénario de votre machination. Mais cela n’offre pas suffisamment de garantie. Tandis que, là, c’est en béton, si je peux me permettre cette expression…
– Et en plus vous vous foutez de ma gueule…
– Non, monsieur, j’essaie simplement d’établir de nouvelles bases de coexistence entre nous et de rester en vie.
Laneureuville s’était repris.
– Et si je ne signe pas ?
Ce n’était toutefois pas un défi mais une simple question.
– Le Président aura un double de cette lettre et du dossier en cours… Ah ! et surtout n’essayez pas d’envoyer Leprot sur ce coup. Je lui ai subtilisé les empreintes soi-disant retrouvées sur les deux derniers couteaux et attribuées au jeune Patrice Dutour…
Laneureuville le dévisagea longuement, le visage impassible.
Pierre Cavalier remarqua une lueur au fond de son regard. Une lueur sauvage.
Il ignorait que Pierre-Marie de Laneureuville était précisément en train de regretter de ne pas avoir fait tuer « ce type incontrôlable ».
À seize heures trente, Pierre Cavalier s’était décidé à appeler Laneureuville sur sa ligne spéciale.
– Ah ! Pierre, le problème est résolu, n’est-ce pas ? C’est vrai, je suis plus expéditif que vous… Mais votre coup était pas mal. Alors ?
– Je souhaite vous rencontrer, monsieur.
– Moi aussi, mon petit Pierre… Dix-huit heures trente comme d’habitude ?
– Bien, monsieur.
Ton neutre pour Cavalier. Enjoué aristo pour Laneureuville qui, descendant d’un simple baron d’Empire, en rajoutait toujours un peu dans l’affectation.
Pierre appela aussitôt sa femme. Qui semblait toujours sous le coup de l’émotion – il préféra ne pas savoir ce qu’avait pu lui raconter Gilbert qui devait être arrivé à la ferme.
– Ce n’est pas un suicide. À ce soir, ma chérie.
Il raccrocha aussitôt et vérifia son arme de service.
Mais il ne se voyait pas abattre un ministre en exercice en plein Ritz. C’eût été suicidaire.
Non, l’arme, c’était pour avoir une petite chance de survie si Pierre-Marie de Laneureuville avait lâché ses fauves après lui.
À dix-sept heures trente, Pierre arriva au Relais angevin, rue Cler.
Il attira le patron, Gérard Langlot, vers le fond de la salle et lui remit une enveloppe Kraft.
– Tu remets ça au destinataire s’il m’arrive quelque chose d’ici cette nuit. Sinon, je repasse la prendre.
Gérard Langlot lui jeta un regard inquiet.
– T’inquiète, c’est pas grave ! dit Pierre en lui tapotant l’épaule.
Il était rassuré. Langlot était plus sûr qu’un coffre en banque.
Il trouva un taxi avenue de La Motte-Picquet et arriva au bar « Vendôme » avec un quart d’heure de retard.
Ce qui exaspérerait Laneureuville. Du moins il l’espérait.
Quand il pénétra dans le bar et l’aperçut, Pierre le connaissait suffisamment pour lire dans son regard une pointe d’inquiétude.
– Champagne ? lui proposa-t-il.
– Champagne.
Après que le serveur les eut servis, le ministre le regarda patelin.
– Alors ?
Pierre lui retourna son sourire mielleux. Ce qui eut pour effet de déstabiliser « Monsieur ». Surtout quand il vit Cavalier sortir de son porte-documents une feuille de papier imprimée. Avec un court texte.
– Je vous demanderai juste une signature et de dater, monsieur, dit-il en lui tendant la feuille.
Laneureuville se rejeta en arrière comme s’il allait être piqué par la feuille.
– C’est quoi ? lâcha-t-il d’un ton rogue.
– Un sauf-conduit, monsieur.
Pierre-Marie de Laneureuville daigna saisir la feuille mais la rejeta vivement sur la table après en avoir lu les premières lignes.
– Je ne peux pas signer ça ! Etes-vous devenu fou ?
– Non. Sage, monsieur.
– Mais c’est du chantage ?
– Le plus abject, monsieur, j’en conviens. Mais j’ai été à bonne école, avec vous…
Le ministre ne se contenait plus. Non seulement il avait été ferré, mais il se retrouvait en pleine nasse.
Pierre Cavalier lui tendit à nouveau la feuille.
Laneureuville la lut à contrecœur.
Il n’avait pas le choix. Il le savait s’il voulait continuer de survivre politiquement.
Il relut le texte :
« Moi, Pierre-Marie de Laneureuville, reconnaît avoir organisé l’assassinat de Pierre Tombre la nuit du 23 juillet 1965 et celui de mon frère Jean-Louis de Laneureuville le 19 juin 1966*. »
Il se décomposait.
– Mais quel rapport avec l’affaire qui nous occupe… ? balbutia-t-il. Je ne vois pas…
– En ce qui concerne l’affaire en cours, monsieur, il y a suffisamment de monde au courant et en possession du scénario de votre machination. Mais cela n’offre pas suffisamment de garantie. Tandis que, là, c’est en béton, si je peux me permettre cette expression…
– Et en plus vous vous foutez de ma gueule…
– Non, monsieur, j’essaie simplement d’établir de nouvelles bases de coexistence entre nous et de rester en vie.
Laneureuville s’était repris.
– Et si je ne signe pas ?
Ce n’était toutefois pas un défi mais une simple question.
– Le Président aura un double de cette lettre et du dossier en cours… Ah ! et surtout n’essayez pas d’envoyer Leprot sur ce coup. Je lui ai subtilisé les empreintes soi-disant retrouvées sur les deux derniers couteaux et attribuées au jeune Patrice Dutour…
Laneureuville le dévisagea longuement, le visage impassible.
Pierre Cavalier remarqua une lueur au fond de son regard. Une lueur sauvage.
Il ignorait que Pierre-Marie de Laneureuville était précisément en train de regretter de ne pas avoir fait tuer « ce type incontrôlable ».
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