jeudi 18 décembre 2008

Noir Express : Euh-Euh ! (C. C. VIII) par Alain Pecunia, Chapitre 22

Chapitre 22





Le lundi matin, à neuf heures douze, alors que Pierre Cavalier et Gilbert Lenoir se trouvaient à la hauteur du triangle de Rocquencourt sur l’A 13, la sonnerie du portable de Pierre se fit entendre.
C’était Isabelle qui avait cherché à joindre le député Vert européen depuis leur départ de la ferme et qui annonçait qu’elle leur avait obtenu un rendez-vous avec lui pour onze heures trente. À son domicile. Avenue Bosquet. Paris 7e.
Par chance, il avait passé le week-end à Paris et se trouvait chez lui.
À dix heures et quart, Gilbert Lenoir gara la voiture d’Isabelle avenue Bouvard.
Ils déambulèrent dans les allées du Champ de Mars jusqu’à onze heures dix, puis se rendirent à pied au domicile du député.
Aucun élu du peuple n’aime accorder un rendez-vous à la police pour une « affaire vous concernant ».
C’était sibyllin, mais le député Lorrinval avait tout de suite compris que c’était en rapport avec la disparition de son « fils » la veille.
Coup de fil affolé de sa sœur aînée, « cette maudite garce ! » s’était-il dit. Puis – pas affolé mais plein de sous-entendus menaçants – celui de Laneureuville. « Le diable en personne. »
Alors que tous les sondages le donnaient régulièrement en meilleure position en cas d’affrontement avec le Président actuel…
C’est donc un homme soucieux et qui semblait avoir mal dormi que découvrirent Pierre Cavalier et Gilbert Lenoir quand il vint leur ouvrir en personne.
Il leur dit, en les invitant à s’asseoir une fois dans le salon, que sa femme et ses deux enfants étaient partis en Bretagne pour les vacances scolaires et qu’il était seul.
– Tant mieux, n’est-ce pas ? ajouta-t-il le regard triste.
Gilbert Lenoir resta figé sur le canapé où il s’était assis. Pierre Cavalier opina silencieusement.
– Vous venez pour Patrice.
Ce n’était même pas une interrogation.
Le commandant Cavalier prit son courage à deux mains.
– Ne vous inquiétez pas pour lui. Il est en lieu sûr à présent.
Pierre se trouva idiot. Il n’était pas sûr du tout que le député soit inquiet du sort de son fils. Trop « bête politique » pour éprouver un tel sentiment, se prit-il à penser. Autant abréger.
– Voilà, monsieur Lorrinval, nous sommes au courant des pressions – ou chantage, comme il vous plaira – dont vous êtes l’objet, attaqua-t-il. Pressions fondées sur l’existence de ce « fils caché »… Nous savons donc que, pour sauvegarder votre carrière politique au sein de votre parti – mais vous avez le droit d’en changer par la suite, ajouta Pierre Cavalier perfidement –, vous annoncerez, le moment opportun, alors que les choses seront déjà bien avancées, que vous retirez votre candidature à la présidence de la République. Ce qui fait que le candidat de la droite – peut-être même le Président actuel puisque les Français aiment les vieux, c’est le « syndrome Pétain-de Gaulle », si je puis me permettre – se retrouvera devant un second couteau de gauche ou pas de candidat du tout… sauf Arlette Laguiller, bien sûr, j’allais oublier, monsieur le député… Dans tous les cas de figure, ce sera donc une victoire de la droite, d’accord ?
Le député ne répondit pas.
Gilbert Lenoir trouvait que le commandant y allait un peu fort.
– Mes amis et moi, monsieur Lorrinval, nous aimons que les règles de la démocratie soient respectées – oh ! sans grande illusion ! Mais, si l’occasion se présente de casser une « tricherie », nous aimons ça… Par ailleurs, Euh… – excusez-moi –, Patrice, votre fils, est en danger et nous voulons le sortir de ce bourbier.
Puis Pierre se tut et balaya lentement la pièce du regard.
Gilbert Lenoir en fit de même.
Leurs regards se croisèrent.
Pensaient-ils la même chose ? se demanda le commandant.
En tout cas, il ne regrettait pas sa férocité. Ce n’est pas un candidat « d’en bas » que la gauche allait perdre. Les « petits » ne s’en porteraient ni mieux ni plus mal.


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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