Chapitre 7
Dix jours plus tard, l’affaire du tueur au couteau n’était plus qu’un dossier en cours d’enterrement discret, quand, le samedi 4 octobre, l’assassin frappa pour la quatrième fois.
Cette fois-ci, il s’agissait d’un Français « de souche ». Samy Dupuis. Dix-neuf ans. Egalement membre de la « bande tricolore ». Le fils d’un haut cadre technique de la mairie de Paris.
Le corps avait été découvert, un peu après trois heures trente du matin, sur un banc de l’allée Marguerite-Yourcenar qui longe le jardin public Nicole-de-Hauteclocque de la résidence Dupleix.
Le découvreur en était un photocompositeur qui venait de terminer son service de nuit à l’imprimerie des Journaux officiels et qui rejoignait sa voiture garée vers l’église Saint-Léon.
Il avait d’abord détourné le regard car il croyait que l’homme était en train de se masturber. Mais il est rare de pratiquer ce genre d’activité à deux mains.
Samy Dupuis tenait justement à deux mains le manche du couteau planté dans son bas-ventre. Tête affalée sur la poitrine et vidé d’une partie de son sang.
Le capitaine Isabelle Cavalier était sur les lieux une heure plus tard. Rejointe rapidement par le lieutenant Gilbert Lenoir.
Les cinq SDF habitués aux bancs autour du jardin, été comme hiver, n’avaient rien vu ni entendu.
C’était une habitude chez eux de ne rien voir ni de ne rien entendre. Une sorte de sagesse. Toutefois, dans ce cas précis, ils semblaient être sincères.
Quelques lumières d’appartements s’allumèrent, puis s’éteignirent.
Isabelle Cavalier crut apercevoir la silhouette de Euh-Euh au bout de l’allée, du côté de la rue Desaix.
Elle dit au lieutenant Lenoir qu’il finirait par lui arriver un malheur s’il continuait de traîner comme ça.
Le lieutenant haussa les épaules.
Le patron de la Crim et le commissaire Antoine des Stups conférèrent longuement dans la matinée avec le capitaine Cavalier.
En bref, ils voulaient du résultat. C’est-à-dire un coupable. Le plus vite possible. Limite erreur judiciaire.
Mais toujours pas un seul témoin ni le moindre suspect en vue pour tenir ce rôle.
Les trois précédents crimes étaient espacés de trois jours.
Trois semaines séparées le quatrième du troisième.
La piste d’une symbolique du chiffre trois fut néanmoins rapidement abandonnée. Pourtant, les têtes pensantes des services concernés planchèrent dessus une huitaine. Avant de découvrir que Samy Dupuis était parti pour le Maroc le dimanche 5 octobre pour en revenir la veille de son meurtre.
– Dommage qu’il se soit fait tuer, commenta le commissaire Antoine. Il nous aurait fait un suspect idéal pour les trois premiers crimes.
Ce meurtre ne passa pas inaperçu. Par contrecoup les précédents si soigneusement étouffés. Ça dégoulina quelque temps dans les médias.
Le père de Samy Dupuis créa un comité des familles des victimes. Dénonçant la cabale qui voulait salir la mémoire de leurs enfants en les présentant comme d’odieux trafiquants de mort.
Une gerbe fut déposée sur le banc de l’allée Marguerite- Yourcenar. Une autre devant l’ambassade de Cuba et une dernière sous le métro devant le siège de la DST.
Clément Duroc fut oublié. Il n’était pas du quartier.
Le capitaine Cavalier ne savait plus que penser.
Philippe-Henri tenta de la réconforter quand il vit son moral au plus bas.
– Souviens-toi des crimes du tueur « au collier de perles », le « Père Noël tueur* ». Eh bien, ça finira peut-être aussi par s’arrêter tout seul !
Isabelle Cavalier haussa les épaules. Phil ne comprenait rien à la logique criminelle. Son univers était le classicisme, pas le sordide.
– Mais c’est simple, pourtant, Isa, poursuivit-il en ignorant son scepticisme. Réfléchis un peu. Quand tous les membres de la « bande tricolore » auront été éliminés, ça s’arrêtera automatiquement.
Isabelle sursauta. Comment Phil pouvait-il savoir qu’on avait surnommé ainsi cette bande ?
Elle plissa le front. Un bref instant, l’homme qu’elle considérait comme son père se métamorphosa en un étranger. Puis elle se ressaisit. Se dit que c’était l’effet de toute cette tension. Que Pierre, son mari, commandant à la Direction centrale des Renseignements généraux, lui en aura sûrement parlé.
Mais la réflexion de Phil n’était pas si stupide. Ni elle ni personne ne s’était demandé une seule fois combien ils pouvaient être dans cette maudite « bande tricolore ». Trois, cinq, huit, douze… ?
– Phil, tu es positivement génial ! lui dit-elle en lui tapotant la main.
– Comme toujours, ma chérie.
Elle appela aussitôt le commissaire Antoine de son portable.
– Antoine, je suis avec Phil et il vient d’avoir une idée de génie… Peux-tu me dire combien d’individus composent la bande qui nous intéresse ?
Le commissaire Antoine sembla réfléchir longtemps ou consulter des notes.
– Attends ! finit-il par dire.
Elle l’entendit interpeller un collaborateur. Puis un autre.
– Ne quitte pas ! reprit-il.
Un long hurlement de noms d’oiseaux suivi d’une pause d’un silence extrême.
– Alors ? s’impatienta Isa.
– Je te rappelle !
Ce qui signifiait qu’il n’en avait pas la moindre idée.
– Tu as peut-être raison, Phil, reprit-elle après une longue pause. Et Samy Dupuis est peut-être la dernière victime.
– Qu’est-ce qui te fait penser ça ?
– C’est simple, si je reprends ta logique. Les premiers crimes sont espacés de trois jours. Le quatrième de trois semaines. Ce qui signifie que notre assassin a attendu le retour de Samy pour l’assassiner et que, s’il y en avait d’autres, même un seul, il aurait essayé de les tuer entre-temps. Donc, ils n’étaient que quatre. Et tout est fini à présent.
Isabelle Cavalier était très fière de son raisonnement. C’était l’évidence même.
– Ma chère Isa, rien n’est jamais évident quand il s’agit de crime. L’univers du crime relève de l’art du trompe-l’œil.
Le capitaine Cavalier se figea de stupéfaction.
Dix jours plus tard, l’affaire du tueur au couteau n’était plus qu’un dossier en cours d’enterrement discret, quand, le samedi 4 octobre, l’assassin frappa pour la quatrième fois.
Cette fois-ci, il s’agissait d’un Français « de souche ». Samy Dupuis. Dix-neuf ans. Egalement membre de la « bande tricolore ». Le fils d’un haut cadre technique de la mairie de Paris.
Le corps avait été découvert, un peu après trois heures trente du matin, sur un banc de l’allée Marguerite-Yourcenar qui longe le jardin public Nicole-de-Hauteclocque de la résidence Dupleix.
Le découvreur en était un photocompositeur qui venait de terminer son service de nuit à l’imprimerie des Journaux officiels et qui rejoignait sa voiture garée vers l’église Saint-Léon.
Il avait d’abord détourné le regard car il croyait que l’homme était en train de se masturber. Mais il est rare de pratiquer ce genre d’activité à deux mains.
Samy Dupuis tenait justement à deux mains le manche du couteau planté dans son bas-ventre. Tête affalée sur la poitrine et vidé d’une partie de son sang.
Le capitaine Isabelle Cavalier était sur les lieux une heure plus tard. Rejointe rapidement par le lieutenant Gilbert Lenoir.
Les cinq SDF habitués aux bancs autour du jardin, été comme hiver, n’avaient rien vu ni entendu.
C’était une habitude chez eux de ne rien voir ni de ne rien entendre. Une sorte de sagesse. Toutefois, dans ce cas précis, ils semblaient être sincères.
Quelques lumières d’appartements s’allumèrent, puis s’éteignirent.
Isabelle Cavalier crut apercevoir la silhouette de Euh-Euh au bout de l’allée, du côté de la rue Desaix.
Elle dit au lieutenant Lenoir qu’il finirait par lui arriver un malheur s’il continuait de traîner comme ça.
Le lieutenant haussa les épaules.
Le patron de la Crim et le commissaire Antoine des Stups conférèrent longuement dans la matinée avec le capitaine Cavalier.
En bref, ils voulaient du résultat. C’est-à-dire un coupable. Le plus vite possible. Limite erreur judiciaire.
Mais toujours pas un seul témoin ni le moindre suspect en vue pour tenir ce rôle.
Les trois précédents crimes étaient espacés de trois jours.
Trois semaines séparées le quatrième du troisième.
La piste d’une symbolique du chiffre trois fut néanmoins rapidement abandonnée. Pourtant, les têtes pensantes des services concernés planchèrent dessus une huitaine. Avant de découvrir que Samy Dupuis était parti pour le Maroc le dimanche 5 octobre pour en revenir la veille de son meurtre.
– Dommage qu’il se soit fait tuer, commenta le commissaire Antoine. Il nous aurait fait un suspect idéal pour les trois premiers crimes.
Ce meurtre ne passa pas inaperçu. Par contrecoup les précédents si soigneusement étouffés. Ça dégoulina quelque temps dans les médias.
Le père de Samy Dupuis créa un comité des familles des victimes. Dénonçant la cabale qui voulait salir la mémoire de leurs enfants en les présentant comme d’odieux trafiquants de mort.
Une gerbe fut déposée sur le banc de l’allée Marguerite- Yourcenar. Une autre devant l’ambassade de Cuba et une dernière sous le métro devant le siège de la DST.
Clément Duroc fut oublié. Il n’était pas du quartier.
Le capitaine Cavalier ne savait plus que penser.
Philippe-Henri tenta de la réconforter quand il vit son moral au plus bas.
– Souviens-toi des crimes du tueur « au collier de perles », le « Père Noël tueur* ». Eh bien, ça finira peut-être aussi par s’arrêter tout seul !
Isabelle Cavalier haussa les épaules. Phil ne comprenait rien à la logique criminelle. Son univers était le classicisme, pas le sordide.
– Mais c’est simple, pourtant, Isa, poursuivit-il en ignorant son scepticisme. Réfléchis un peu. Quand tous les membres de la « bande tricolore » auront été éliminés, ça s’arrêtera automatiquement.
Isabelle sursauta. Comment Phil pouvait-il savoir qu’on avait surnommé ainsi cette bande ?
Elle plissa le front. Un bref instant, l’homme qu’elle considérait comme son père se métamorphosa en un étranger. Puis elle se ressaisit. Se dit que c’était l’effet de toute cette tension. Que Pierre, son mari, commandant à la Direction centrale des Renseignements généraux, lui en aura sûrement parlé.
Mais la réflexion de Phil n’était pas si stupide. Ni elle ni personne ne s’était demandé une seule fois combien ils pouvaient être dans cette maudite « bande tricolore ». Trois, cinq, huit, douze… ?
– Phil, tu es positivement génial ! lui dit-elle en lui tapotant la main.
– Comme toujours, ma chérie.
Elle appela aussitôt le commissaire Antoine de son portable.
– Antoine, je suis avec Phil et il vient d’avoir une idée de génie… Peux-tu me dire combien d’individus composent la bande qui nous intéresse ?
Le commissaire Antoine sembla réfléchir longtemps ou consulter des notes.
– Attends ! finit-il par dire.
Elle l’entendit interpeller un collaborateur. Puis un autre.
– Ne quitte pas ! reprit-il.
Un long hurlement de noms d’oiseaux suivi d’une pause d’un silence extrême.
– Alors ? s’impatienta Isa.
– Je te rappelle !
Ce qui signifiait qu’il n’en avait pas la moindre idée.
– Tu as peut-être raison, Phil, reprit-elle après une longue pause. Et Samy Dupuis est peut-être la dernière victime.
– Qu’est-ce qui te fait penser ça ?
– C’est simple, si je reprends ta logique. Les premiers crimes sont espacés de trois jours. Le quatrième de trois semaines. Ce qui signifie que notre assassin a attendu le retour de Samy pour l’assassiner et que, s’il y en avait d’autres, même un seul, il aurait essayé de les tuer entre-temps. Donc, ils n’étaient que quatre. Et tout est fini à présent.
Isabelle Cavalier était très fière de son raisonnement. C’était l’évidence même.
– Ma chère Isa, rien n’est jamais évident quand il s’agit de crime. L’univers du crime relève de l’art du trompe-l’œil.
Le capitaine Cavalier se figea de stupéfaction.
* Voir Sous le sugne du rosaire.
© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.
* Voir Sous le signe du rosaire.
© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.
* Voir Sous le signe du rosaire.
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