Chapitre 18
Pierre Cavalier avait fait mettre sous surveillance l’hôtel particulier du préfet Bernard Bonnot dès le début de matinée.
Les grands moyens avec des hommes sûrs du « Service ».
La découverte de l’existence de Bernard Bonnot et de ses liens de vassalité avec Pierre-Marie de Laneureuville et ses vieux réseaux issus de la guerre froide changeait toute la donne initiale. Ou l’éclairait d’un nouveau jour. Paradoxalement, en l’obscurcissant.
La seule chose concrète était le message d’« en haut », dont il se souvenait des termes exacts à la virgule près.
« On vous demande de neutraliser ce dingue au collier… Il représente un danger pour l’État… Mais ne le neutralisez que quand il aura été identifié avec certitude. Faites pour le mieux, mais il faut absolument qu’on soit débarrassé de ce dingue. D’accord ? »
« Neutraliser », il n’avait pas besoin de traduire. Il suffisait simplement que le meurtre d’État prenne la forme d’une mort accidentelle ou naturelle.
Et il y avait le choix. Chaque pays ayant son style et chacun de leurs services sa marotte.
En ce qui concerne la mort naturelle, la technique du « parapluie bulgare » avait été nettement améliorée.
Les asphyxies au gaz étaient moins courantes depuis la généralisation du tout-électrique et les explosions de gaz étaient devenues de moins en moins crédibles. De plus, il y avait toujours des risques collatéraux.
Les produits chimiques étaient nettement plus efficaces.
Le suicide avait ses aléas, mais ils étaient facilement contrôlables. Non-communication des résultats de l’autopsie, dossier égaré…
L’état dépressif offrait un grand choix. En fait, toute la palette des mille et une façons de se suicider. Du revolver type Magnum 357 – radical et donc trop souvent utilisé par facilité, ce qui rendait son emploi de moins en moins crédible – à la pendaison, en passant par la défenestration, la noyade, les barbituriques et tutti quanti.
Pour l’accidentel, il y avait bien évidemment la perte de contrôle du véhicule provoquée par le chauffard introuvable, le choc avec un camion tout aussi introuvable, la « glissade » sur le quai du métro ou à l’arrêt d’autobus, le piéton renversé par un chauffard prenant la fuite et qu’on ne retrouverait jamais.
Également toutes les formes de meurtres ordinaires : un cambrioleur surpris dans son art et qui perd les pédales, l’accident de chasse – de plus en plus rare et présentant de nombreuses difficultés –, le tueur fou de passage, le fameux rôdeur, le criminel évadé, etc.
Il y avait également son versus terroriste.
Du temps de la guerre froide, on avait même pu laisser se défouler les groupes terroristes dits révolutionnaires sur des « gêneurs ». Avec le double avantage de ne pas avoir à le faire soi-même et à profiter politiquement de l’indignation de l’opinion publique. Mais ça remontait au siècle dernier et il ne fallait plus y songer, à moins qu’un jour, après être parvenu à infiltrer et contrôler des groupes islamistes… Mais il ne fallait pas trop rêver.
Donc, « neutraliser » ce dingue au collier qui pouvait être le même tueur que quelques années plus tôt, ou un autre. Qui « représente un danger pour l’État »…
Ça, c’était nouveau.
Et ne le neutraliser que « quand il aura été identifié avec certitude ».
Il pouvait donc y avoir doute sur son identité. Ce qui signifiait qu’il ne fallait pas se fier aux apparences. Que celui qui devait être identifié n’était pas un simple tueur, ni même un serial killer ordinaire. Car quel intérêt politique y aurait-il à le liquider plutôt que de le livrer à la justice ?
Ce que l’on demandait au « Service », c’était d’éliminer une gêne, quelqu’un qui en savait trop et représentait une menace réelle ou potentielle, ce qui revenait au même. Ou quelqu’un ayant échappé à tout contrôle.
« Faites pour le mieux » !
Le commandant Cavalier esquissa un léger sourire.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
Pierre Cavalier avait fait mettre sous surveillance l’hôtel particulier du préfet Bernard Bonnot dès le début de matinée.
Les grands moyens avec des hommes sûrs du « Service ».
La découverte de l’existence de Bernard Bonnot et de ses liens de vassalité avec Pierre-Marie de Laneureuville et ses vieux réseaux issus de la guerre froide changeait toute la donne initiale. Ou l’éclairait d’un nouveau jour. Paradoxalement, en l’obscurcissant.
La seule chose concrète était le message d’« en haut », dont il se souvenait des termes exacts à la virgule près.
« On vous demande de neutraliser ce dingue au collier… Il représente un danger pour l’État… Mais ne le neutralisez que quand il aura été identifié avec certitude. Faites pour le mieux, mais il faut absolument qu’on soit débarrassé de ce dingue. D’accord ? »
« Neutraliser », il n’avait pas besoin de traduire. Il suffisait simplement que le meurtre d’État prenne la forme d’une mort accidentelle ou naturelle.
Et il y avait le choix. Chaque pays ayant son style et chacun de leurs services sa marotte.
En ce qui concerne la mort naturelle, la technique du « parapluie bulgare » avait été nettement améliorée.
Les asphyxies au gaz étaient moins courantes depuis la généralisation du tout-électrique et les explosions de gaz étaient devenues de moins en moins crédibles. De plus, il y avait toujours des risques collatéraux.
Les produits chimiques étaient nettement plus efficaces.
Le suicide avait ses aléas, mais ils étaient facilement contrôlables. Non-communication des résultats de l’autopsie, dossier égaré…
L’état dépressif offrait un grand choix. En fait, toute la palette des mille et une façons de se suicider. Du revolver type Magnum 357 – radical et donc trop souvent utilisé par facilité, ce qui rendait son emploi de moins en moins crédible – à la pendaison, en passant par la défenestration, la noyade, les barbituriques et tutti quanti.
Pour l’accidentel, il y avait bien évidemment la perte de contrôle du véhicule provoquée par le chauffard introuvable, le choc avec un camion tout aussi introuvable, la « glissade » sur le quai du métro ou à l’arrêt d’autobus, le piéton renversé par un chauffard prenant la fuite et qu’on ne retrouverait jamais.
Également toutes les formes de meurtres ordinaires : un cambrioleur surpris dans son art et qui perd les pédales, l’accident de chasse – de plus en plus rare et présentant de nombreuses difficultés –, le tueur fou de passage, le fameux rôdeur, le criminel évadé, etc.
Il y avait également son versus terroriste.
Du temps de la guerre froide, on avait même pu laisser se défouler les groupes terroristes dits révolutionnaires sur des « gêneurs ». Avec le double avantage de ne pas avoir à le faire soi-même et à profiter politiquement de l’indignation de l’opinion publique. Mais ça remontait au siècle dernier et il ne fallait plus y songer, à moins qu’un jour, après être parvenu à infiltrer et contrôler des groupes islamistes… Mais il ne fallait pas trop rêver.
Donc, « neutraliser » ce dingue au collier qui pouvait être le même tueur que quelques années plus tôt, ou un autre. Qui « représente un danger pour l’État »…
Ça, c’était nouveau.
Et ne le neutraliser que « quand il aura été identifié avec certitude ».
Il pouvait donc y avoir doute sur son identité. Ce qui signifiait qu’il ne fallait pas se fier aux apparences. Que celui qui devait être identifié n’était pas un simple tueur, ni même un serial killer ordinaire. Car quel intérêt politique y aurait-il à le liquider plutôt que de le livrer à la justice ?
Ce que l’on demandait au « Service », c’était d’éliminer une gêne, quelqu’un qui en savait trop et représentait une menace réelle ou potentielle, ce qui revenait au même. Ou quelqu’un ayant échappé à tout contrôle.
« Faites pour le mieux » !
Le commandant Cavalier esquissa un léger sourire.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
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