Chapitre 5
Isabelle Cavalier se rendit en voiture chez les parents de la dernière victime, rue Saint-Dominique, après avoir appelé le lieutenant Toussaint pour qu’il la rejoigne en bas de leur immeuble.
Après avoir dépassé l’église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, elle dirigea instinctivement son regard vers les fenêtres de l’appartement de Philippe-Henri. Sur sa gauche.
Elle trouva une place pour se garer vers le restaurant Chez Thoumieux et fit à pied la cinquantaine de mètres qui lui restait à parcourir.
Elle s’étonna de trouver le lieutenant Matthieu Toussaint au bas de l’immeuble.
– Vous êtes déjà là ?
– J’habite le quartier, dit-il en guise d’explication.
Il esquissa un léger sourire qu’il voulait charmeur.
« T’es mal tombé, mon coco », se dit le capitaine Cavalier.
Les parents d’Angeline de Saint-Fort reçurent les deux policiers dans un salon rococo aux tentures violine. Du plus mauvais goût quoique l’ameublement fût de prix.
L’ambiance évoqua irrésistiblement au capitaine Cavalier l’antichambre d’une cocotte des années vingt du siècle dernier.
Mme de Saint-Fort, née Louise-Marie de Pouldieu du Fouët, se tenait les épaules voûtées dans un profond fauteuil.
Elle devait avoir la quarantaine mais le chagrin brouillait son âge. Elle était anéantie.
M. de Saint-Fort, Hervé-Pierre, la cinquantaine – cinquante et un ans précisément, devait apprendre plus tard Isabelle Cavalier –, s’efforçait de faire front au malheur.
Il les reçut debout. Raide comme un piquet. Mais il était court sur pattes et légèrement enveloppé, et son port altier rendait un effet comique involontaire.
M. de Saint-Fort appartenait au corps consulaire et il était détaché depuis deux ans à l’administration centrale du Quai d’Orsay.
Il avait tendance à s’adresser au lieutenant Toussaint et à ignorer le capitaine Cavalier.
« Un macho de la haute », pensa instantanément Isabelle Cavalier.
D’ailleurs, il avait l’air de se soucier comme d’une guigne du chagrin de sa femme.
– Dans notre monde, nous ne sommes pas habitués à ce genre de drame…, disait-il.
Isabelle traduisit par « ça fait tache dans le décor ».
Elle ignora délibérément M. de Saint-Fort et s’adressa délicatement à sa femme pour lui demander des précisions sur les relations de sa fille. Plus précisément sur ses deux amies avec lesquelles elle avait réveillonné.
Isabelle Cavalier n’en tira pas grand-chose.
Mme de Saint-Fort avait éclaté en sanglots et répétait sans cesse :
– Je veux voir ma petite fille. Quand me laissera-t-on aller la voir…?
Angeline était une ado apparemment sans problème. À seize ans, elle était en première et sa scolarité était normale.
Le capitaine Cavalier renouvela ses condoléances au couple avant de prendre congé.
Les deux policiers remontèrent à pied la rue Saint-Dominique vers la rue Amélie.
Il était presque huit heures du matin.
Sabrina Claron, dix-huit ans, élève de terminale littéraire, était une des deux amies de la victime.
Le père, inspecteur d’académie. La mère prof de français.
Mme Claron, fin de quarantaine, attristée, sans plus.
– Quand je pense que ça aurait pu arriver à ma fille…
M. Claron, cinquante ans et quelconque mais se jugeant important, les recevant comme des inopportuns, limite égoutiers venant réclamer leurs étrennes.
– Ma fille n’a rien à voir avec tout ça et je ne vois pas en quoi…, commença-t-il en s’adressant à Matthieu Toussaint.
– C’est à moi d’en juger, le coupa sèchement le capitaine Cavalier. Votre fille est majeure et je l’interroge ici ou je la convoque à la Brigade criminelle.
– Mais…
– Et sans votre présence, s’il vous plaît.
Elle échangea un bref regard avec le lieutenant qui fit sortir les parents du salon en les accompagnant.
Sabrina était brune, élancée, jolie et genre étudiante modèle. Un peu trop sainte-nitouche aux yeux d’Isabelle Cavalier.
Elle semblait peinée pour son amie Angeline, mais le capitaine Cavalier eut la curieuse impression qu’elle en faisait trop.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
Isabelle Cavalier se rendit en voiture chez les parents de la dernière victime, rue Saint-Dominique, après avoir appelé le lieutenant Toussaint pour qu’il la rejoigne en bas de leur immeuble.
Après avoir dépassé l’église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, elle dirigea instinctivement son regard vers les fenêtres de l’appartement de Philippe-Henri. Sur sa gauche.
Elle trouva une place pour se garer vers le restaurant Chez Thoumieux et fit à pied la cinquantaine de mètres qui lui restait à parcourir.
Elle s’étonna de trouver le lieutenant Matthieu Toussaint au bas de l’immeuble.
– Vous êtes déjà là ?
– J’habite le quartier, dit-il en guise d’explication.
Il esquissa un léger sourire qu’il voulait charmeur.
« T’es mal tombé, mon coco », se dit le capitaine Cavalier.
Les parents d’Angeline de Saint-Fort reçurent les deux policiers dans un salon rococo aux tentures violine. Du plus mauvais goût quoique l’ameublement fût de prix.
L’ambiance évoqua irrésistiblement au capitaine Cavalier l’antichambre d’une cocotte des années vingt du siècle dernier.
Mme de Saint-Fort, née Louise-Marie de Pouldieu du Fouët, se tenait les épaules voûtées dans un profond fauteuil.
Elle devait avoir la quarantaine mais le chagrin brouillait son âge. Elle était anéantie.
M. de Saint-Fort, Hervé-Pierre, la cinquantaine – cinquante et un ans précisément, devait apprendre plus tard Isabelle Cavalier –, s’efforçait de faire front au malheur.
Il les reçut debout. Raide comme un piquet. Mais il était court sur pattes et légèrement enveloppé, et son port altier rendait un effet comique involontaire.
M. de Saint-Fort appartenait au corps consulaire et il était détaché depuis deux ans à l’administration centrale du Quai d’Orsay.
Il avait tendance à s’adresser au lieutenant Toussaint et à ignorer le capitaine Cavalier.
« Un macho de la haute », pensa instantanément Isabelle Cavalier.
D’ailleurs, il avait l’air de se soucier comme d’une guigne du chagrin de sa femme.
– Dans notre monde, nous ne sommes pas habitués à ce genre de drame…, disait-il.
Isabelle traduisit par « ça fait tache dans le décor ».
Elle ignora délibérément M. de Saint-Fort et s’adressa délicatement à sa femme pour lui demander des précisions sur les relations de sa fille. Plus précisément sur ses deux amies avec lesquelles elle avait réveillonné.
Isabelle Cavalier n’en tira pas grand-chose.
Mme de Saint-Fort avait éclaté en sanglots et répétait sans cesse :
– Je veux voir ma petite fille. Quand me laissera-t-on aller la voir…?
Angeline était une ado apparemment sans problème. À seize ans, elle était en première et sa scolarité était normale.
Le capitaine Cavalier renouvela ses condoléances au couple avant de prendre congé.
Les deux policiers remontèrent à pied la rue Saint-Dominique vers la rue Amélie.
Il était presque huit heures du matin.
Sabrina Claron, dix-huit ans, élève de terminale littéraire, était une des deux amies de la victime.
Le père, inspecteur d’académie. La mère prof de français.
Mme Claron, fin de quarantaine, attristée, sans plus.
– Quand je pense que ça aurait pu arriver à ma fille…
M. Claron, cinquante ans et quelconque mais se jugeant important, les recevant comme des inopportuns, limite égoutiers venant réclamer leurs étrennes.
– Ma fille n’a rien à voir avec tout ça et je ne vois pas en quoi…, commença-t-il en s’adressant à Matthieu Toussaint.
– C’est à moi d’en juger, le coupa sèchement le capitaine Cavalier. Votre fille est majeure et je l’interroge ici ou je la convoque à la Brigade criminelle.
– Mais…
– Et sans votre présence, s’il vous plaît.
Elle échangea un bref regard avec le lieutenant qui fit sortir les parents du salon en les accompagnant.
Sabrina était brune, élancée, jolie et genre étudiante modèle. Un peu trop sainte-nitouche aux yeux d’Isabelle Cavalier.
Elle semblait peinée pour son amie Angeline, mais le capitaine Cavalier eut la curieuse impression qu’elle en faisait trop.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
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