Chapitre 2
Le capitaine Isabelle Cavalier se trouvait dans son bureau du 36, quai des Orfèvres lorsque la nouvelle de ce nouveau meurtre parvint à la Brigade criminelle.
– Ça va pas recommencer ! dit le patron en pensant plus à la pression de la hiérarchie qu’aux éventuels meurtres.
Cela avait été un véritable cauchemar. La Crim avait été prise entre le marteau de la direction du ministère et l’enclume des médias. Et ce n’avait pris fin qu’avec la cessation des crimes.
Pour quelle raison, d’ailleurs ? Un serial killer, ça ne se lasse pas.
Alors on avait estimé que l’assassin était mort. De mort naturelle ou accidentelle.
Il avait encore pu quitter la région parisienne ou la France. Mais aucun crime semblable n’avait été répertorié où que ce soit.
Bien sûr, chaque région et chaque pays avaient continué d’avoir leur quota d’étranglés et d’étrangleurs. Mais ça restait dans le répertoire classique. Aucune trace d’un tueur utilisant un collier de perles.
– De toute façon, observa Isabelle Cavalier, nous avons la réponse. Il est bien vivant.
Et, pour une fois, la brigade anticriminalité du VIIe avait un témoin.
Qui avait aperçu non loin du lieu du crime un individu dont le comportement lui était apparu suspect. L’individu était de type européen, de taille moyenne et rondouillard, à la calvitie prononcée, ayant entre cinquante-cinq et soixante ans. Et il avait un étrange regard.
Personne n’osa évoquer la possibilité d’un tueur « imitateur ». Parfois, ça peut arriver. Le nouveau venu dans l’univers des serial killers obtient ainsi quelques meurtres d’avance si le meurtrier qu’il imite n’a jamais été identifié.
Ça fait grimper la cote. Ça lui permet de jouer d’emblée dans la cour des grands du crime en brûlant les étapes intermédiaires.
Mais, en l’occurrence, les traces de strangulation étaient trop parfaites pour qu’il y eût doute. Et concordaient précisément avec celles des crimes précédents.
L’arme était donc identique. Un collier de perles en bois. De grosses perles.
Et la victime présentait une des caractéristiques essentielles des victimes précédentes. Elle était de taille inférieure à un mètre soixante-dix et de type menu.
L’âge semblait peut importer pour le tueur, mais la victime avait quatorze ans. Ce qui en faisait sa plus jeune proie.
L’assassin avait commis son crime peu avant seize heures. Alors que les gens vaquaient à leurs courses en ce 31 décembre.
Au pied de l’ascenseur dans le hall d’entrée d’un immeuble de l’avenue de Suffren.
La victime y habitait chez ses parents. Le père haut fonctionnaire.
D’après celui-ci – la mère n’était pas en état de témoigner –, la petite revenait de chez une amie. Donc, l’assassin l’avait surprise dans le hall.
Le commissaire principal Derosier convoqua tout son petit monde pour faire le point. Enfin, ceux qui étaient présents un 31 décembre.
Le capitaine Isabelle Cavalier fut immédiatement désignée pour prendre la direction des investigations.
– Vous êtes la plus à même de mener cette enquête puisque vous avez travaillé sur les crimes précédents, déclara d’emblée le commissaire au soulagement des collègues du capitaine qui ne se voyaient pas privés, eux, de réveillon.
Isabelle Cavalier se sentit flattée. À l’époque des derniers crimes, elle n’était que lieutenant. Et elle avait à cœur, en tant que femme, de reprendre ce dossier et de mettre enfin la main sur cet assassin de femmes.
– Mais, monsieur, objecta-t-elle, je suis déjà en charge de l’enquête sur les crimes de Noël, l’affaire de l’égorgeur et celle du pavillon des Lilas…
– Ça peut attendre. Nous n’avons pas de pistes sérieuses pour ces crimes, tandis que, là, nous avons un témoin.
Les quelques membres de la brigade présents marquèrent leur étonnement. Il était exceptionnel qu’on leur retire un os à ronger. C’était pas le genre de la maison. Et ils ignoraient que cette affaire avait été définitivement réglée à leur insu*.
Le commissaire principal haussa les épaules.
– C’est comme ça et ça vient d’en haut.
* Voir Sous le faux étendard du Prophète.
© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.
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