dimanche 29 novembre 2009

Noir Express : "Sous le signe du rosaire (Le retour)" (C. C. XIII) par Alain Pecunia, Chapitre 19

Chapitre 19





Le mardi 6 janvier, jour de l’Épiphanie pour les chrétiens, de la galette des Rois pour les mécréants, une nouvelle pièce du puzzle vint s’emboîter autour du personnage central.
L’ancien flic reconverti dans la télésurveillance, Harry Godino, le seul témoin dans l’affaire Julie Bernard, se rendit à l’hôtel de Bernard Bonnot en milieu de matinée.
Il en ressortit une heure plus tard.
Vérification faite, le préfet était un de ses clients. La société de l’ex-flic assurait la télésurveillance de son hôtel particulier. Rien de plus normal.
Mais Bernard Bonnot avait des parts dans sa société. C’était déjà plus consistant.
Si l’ex-flic connaissait le préfet et si le lieutenant Toussaint le connaissait également, pour Pierre Cavalier il ne faisait aucun doute que Toussaint et l’ex-flic se connaissaient.
Ils feraient même deux tueurs idéals ! se dit Cavalier. Mais c’était une boutade. Ça semblait trop évident.
Pourtant, il aurait bien aimé connaître la liste de tous ses clients sur le quartier.
Il songea même un instant commanditer le cambriolage du siège social de la société de télésurveillance, située boulevard de Grenelle. Toutefois, cambrioler une société faisant dans la sécurité était une gageure.
Il fallait trouver un moyen légal. Une bonne vieille perquisition dans les règles le moment venu.
Mais tant le commandant Pierre Cavalier que le capitaine Isabelle Cavalier piétinaient chacun de leur côté sur la question de l’arme du crime. Le « collier de perles ». Pourquoi cette arme, si l’on peut employer ce terme pour un collier, précisément ?
Et puis cette information des mœurs qui ébranla Isabelle Cavalier.
Oui, ils avaient bien un dossier sur Bernard Bonnot. Non, ils ne le communiqueraient pas, car c’était une affaire en cours.
Mais pourquoi ?
Parce que la Crim allait foutre leur boulot en l’air avec ses gros sabots.
Mais deux gosses sont mortes, bordel !
Ça ne leur faisait ni chaud ni froid.
– Parce que vous vous méfiez de Toussaint et qu’il est passé chez nous ?
Ses interlocuteurs lui firent comprendre qu’il y avait un peu de ça.
Mais ce n’était pas la seule raison, entre autres.
– Qu’est-ce que vous voulez insinuer ?
Un familier d’Isabelle Cavalier était concerné par leur enquête. Et, si son identité lui était dévoilée, elle pourrait le prévenir et lui-même en aviser Bernard Bonnot.
– Vous êtes vraiment trop cons. Allez vous faire foutre ! leur lâcha-t-elle de rage.
Ce qui mit fin à ce dialogue de sourds.
Une heure plus tard, il fallut toute la diplomatie de Pierre Cavalier, le poids discret du « Service » et, surtout, ses huit années passées à la Brigade des mœurs, pour qu’il obtienne l’info cachée à Isabelle.
Philippe-Henri Dumontar, le bon Phil, le cher « papa » d’Isabelle, le « Papy » gâteau-gâteux et parrain de Philippine, le « beau-papa » de lui, le commandant Pierre Cavalier, fréquentait Bernard Bonnot en son hôtel. Sans que ni lui ni Isabelle le sachent.
Pierre Cavalier avait promis-juré-craché le secret à ses anciens collègues, mais il ne pouvait taire une telle information à Isabelle. Elle avait le droit de savoir.
« Ce vieux, c’est une cata ambulante, un emmerdeur-né… »
C’était évident, non ?
Alors pourquoi Isabelle se mettait-elle à chialer et à embrasser leur fille à l’en étouffer en lui répétant : « Ma pauvre petite… » ?
Comme si elles étaient devenues soudainement orphelines.


© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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