lundi 2 novembre 2009

Noir Express : "Sous le signe du rosaire (Le retour)" (Chroniques croisées XIII), par Alain Pecunia, Chapitre 1

Ce treizième épisode des « Chroniques croisées » s’intitule curieusement Sous le signe du rosaire (Le Retour) – curieusement car il s’agit également du mien après vous avoir lâchés en juillet. Mais quoi de plus naturel que je revienne aujourd’hui parmi vous en ce 2 novembre, jour des morts, puisque nous traitons de « romans noirs » !
Pourtant j’aurai préféré une autre histoire car Sous le signe du rosaire (le sixième épisode) ne vous avait pas emballés plus que cela alors qu’il est mon préféré dans une large mesure.
Il m’est cependant impossible de ne pas suivre l’ordre chronologique des aventures du couple Cavalier pour le meilleur et le pire. Alors tant pis pour moi !



Après plusieurs années d’« inactivité », le tueur au rosaire signe de nouveaux meurtres.
Les soupçons se portent sur Philippe-Henri Dumontar, ex
-serial killer
devenu le sympathique « papy » de la famille Cavalier.
Le capitaine Isabelle Cavalier de la Crim se trouve plongée dans une sordide affaire de mœurs dont les protagonistes appartiennent au « beau monde » parisien.
Mais pourquoi demande-t-on au commandant Pierre Cavalier, le nouveau responsable du « Service » et commandant aux RG, d’éliminer le tueur ?



Chapitre 1





Le Président s’apprêtait à adresser aux Français les traditionnels vœux du 31 décembre.
Cette allocution constituait, avec le défilé militaire du 14-Juillet et le Salon de l’agriculture, un des trois temps forts de son année politique. Du moins pour lui.
Ce soir, ses vœux prendraient un relief tout particulier. Il en ronronnait d’avance de plaisir tel un chat de gouttière lové sur un coussin soyeux au coin du feu.
Tout allait pour le mieux. Les Américains s’enlisaient en Irak, l’hécatombe de la canicule n’était plus qu’un lointain souvenir et la lutte contre l’insécurité enregistrait de francs succès.
Même les Corses restaient tranquilles, c’est dire !
Et Jospin pouvait toujours tenter de préparer sa résurrection politique pour les futures présidentielles. Il n’était pas encore assez âgé pour faire un outsider crédible.
Le Président zappait tranquillement sur les diverses chaînes en attendant la fin des préparatifs pour son intervention.
Il venait juste de se caler sur un dessin animé de Disney Channel lorsque la sonnerie du téléphone posé près de lui retentit.
Il maugréa. Reposa sa canette de bière sur le guéridon. On ne pouvait vraiment pas lui foutre la paix cinq minutes. Surtout ce jour-là !
– Monsieur le Président, la Une, il y a un flash info ! dit la voix inquiète d’un de ses assistants.
– Qu’est-ce qu’il y a encore ? pesta le Président.
– Vite, regardez !
Tout en se positionnant sur la Une, il se dit qu’il faudrait qu’il rappelle au petit D…, ce petit trou-du-cul, d’être un peu moins familier. Ce n’était pas parce qu’il faisait, à défaut d’autre chose, un excellent partenaire de causette le dimanche après-midi qu’il pouvait se croire permis d’user d’un tel ton à son égard. D’ailleurs…
La progression neuronale de la pensée du Président fut soudainement stoppée net. Un court-jus comme il arrive parfois aux personnes d’un certain âge sous le coup d’une forte émotion. En général, une mauvaise nouvelle.
Frappé de stupeur, il resta scotché au fond de son fauteuil, la bouche ouverte limite décrochement de mâchoire.
« Un nouveau crime vient d’endeuiller cette malheureuse fin d’année, déjà marquée par cinq meurtres sur Paris et sa proche banlieue les 24 et 25 décembre, ainsi que par l’explosion d’un immeuble à Montreuil qui aurait pu avoir de tragiques conséquences.
« En effet, nous venons d’apprendre par une dépêche de l’Agence France Presse que le tueur fou “ au collier de perles ”, surnommait également le “ Père Noël tueur ”, qui n’avait plus fait parler de lui depuis fin 97, aurait à nouveau frappé.
« Rappelons que ce sinistre individu, à qui l’on attribue une dizaine de crimes commis entre 1992 et 1997, n’a jamais été retrouvé et que certaines informations laissaient à penser qu’il s’était peut-être enfui à l’étranger ou était même décédé*.
« Hélas ! tout indique, d’après les premières constatations, que le “ Père Noël tueur ” serait de retour parmi nous cinq ans plus tard… »
– Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à vouloir me pourrir la vie ! marmonna le Président avant d’exploser de fureur. L’Intérieur ! Qu’on m’appelle l’Intérieur ! hurla-t-il.
Il vit arriver le petit D…, faux cul comme pas un et qui devait attendre sa réaction derrière la porte.
Sa façon de marcher en serrant les fesses et en se dandinant comme un canard l’insupportait de plus en plus.
– Oui, monsieur le Président…, minauda le jeune assistant.
– Appelez-moi l’Intérieur ! aboya le chef de l’État en se levant. Et dites à la télé que je retarde mon allocution !
– Mais c’est impossible, monsieur le Président ! C’est programmé…
– Mais qu’est-ce que vous voulez que je leur dise après ça ? « Tout va très bien madame la marquise »…
– Faites comme si de rien n’était, monsieur le Président, si je puis me permettre cette suggestion, répondit le jeune assistant sans se démonter. Vous pourrez toujours dire ensuite que vous ne saviez rien, que vous n’étiez pas au courant.
Le Président sembla réfléchir.
– Mais c’est pas con ça ! C’est même pas con du tout…, lâcha-t-il après avoir sommairement pesé le pour et le contre.

* Voir Sous le signe du rosaire.

© Alain Pecunia, 2009.
Tous droits réservés.

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