mercredi 26 novembre 2008

Noir Express : Euh-Euh ! (C. C. VIII) par Alain Pecunia, Chapitre 4 (suite et fin)

Chapitre 4 (suite et fin)





Le capitaine Cavalier de la Crim, qui avait prévenu le commissaire Antoine de ce nouveau crime, comprit immédiatement qu’elle devait servir d’intermédiaire diplomatique entre lui et le sous-directeur de la DST qui attendait également son arrivée en battant la semelle de ses chaussures de prix sur le trottoir.
– Bon, dit Antoine au sous-directeur d’un ton sec, nous avons un nouveau meurtre. Un nouveau règlement de comptes entre dealers. Et alors ?
Le sous-directeur resta de marbre.
– Et vous, Cavalier, vous avez pu l’identifier, ce « client » ?
Bien qu’amis, Cavalier et Antoine respectaient toujours les formes en public.
– Oui, commissaire. Il s’agit d’un membre de la « bande tricolore ». Un jeune Beur, cette fois, Ahmed Larbi…
– À ce train-là, il ne va plus en rester ! la coupa Antoine en envoyant un sourire carnassier au sous-directeur qui n’abandonna pas son rôle de statue de sénateur romain en pied.
Isabelle Cavalier toussa. Comme pour attirer l’attention du commissaire et lui faire comprendre qu’il y avait un problème.
Antoine ignora le message.
– Bon, Cavalier ! Vous et le lieutenant Lenoir n’avez qu’à rajouter cette affaire sur la pile des deux dossiers précédents. L’assassin finira bien par commettre une erreur. Comme toujours, hein ?
Il défia le sous-directeur du regard, qui esquissa un léger sourire. Puis se tourna à nouveau vers le capitaine Cavalier.
– Pas de témoin, comme toujours, hein ?
– Juste ce jeune homme, Patrice Dutour, que vous voyez là-bas, mais…
– Mais c’est une très bonne nouvelle ça, Cavalier ! la coupa-t-il joyeusement.
Isabelle Cavalier prit un air sombre.
– Qu’est-ce que vous avez ? On a enfin un témoin ! Le premier dans cette merde !
Le commissaire Antoine se dirigea à grande enjambée vers Patrice Dutour qui affichait un large sourire sur sa face lunaire.
– Alors ? Qu’avez-vous vu ?
– Euh-euh…
– Comment ?
– Euh-euh…
Déconcerté, le commissaire se tourna vers Isabelle Cavalier en lui jetant un « ti-ti-ti ta-ta-ta ti-ti-ti », bref un SOS, du regard.
Le capitaine lui expliqua les problèmes de personnalité de Patrice Dutour.
– Ah ! fit le commissaire. Alors, on est toujours dans la merde… Mais, à propos, c’est qui ce bouffon de la DST qui est avec vous et qui joue les statues depuis que je suis arrivé ? Il se la joue, ou quoi ?
Il avait accompagné ses propos d’un mouvement de menton dédaigneux en direction du sous-directeur.
– C’est le sous-directeur, répondit Isabelle d’un air entendu.
– Le sous-directeur de quoi ? de quel service ?
– Le sous-directeur de la DST… – le sous-patron, si vous préférez, précisa-t-elle.
– Merde ! fit le commissaire. J’ai peut-être fait un peu fort. Manqué de diplomatie. Mais c’est quoi son problème pour qu’il soit descendu de son bureau en personne ?
– La victime était un de leurs indics. Je crois que c’est de cela qu’il veut vous entretenir.
Le commissaire Antoine se dirigea vers le sous-directeur et s’excusa de son ton « abrupt ».
– Vous comprenez, je suis un peu sur les nerfs avec ce tueur mystérieux. D’ailleurs, moi-même, un de mes indics de la « bande tricolore » – et un bon ! – s’est fait tuer récemment.
Le sous-directeur l’écouta courtoisement mais lui répondit d’un ton distant.
En bref, il s’agissait d’un quartier sensible. Siège de la DST rue Nélaton, Commissariat à l’Energie atomique rue de la Fédération, ambassade d’Australie au coin de la même rue, Direction des Journaux officiels rue Desaix, ambassade de Cuba rue de Presles. Et d’autres annexes de services sensibles. Le tout dans un périmètre restreint. Avec en plein milieu la ZAC Dupleix, sur l’emplacement de l’ancienne caserne du même nom. Avec des résidences de standing et des logements sociaux, plus une grande résidence pour les miliaires d’active. Alors il faut sécuriser. Que ça reste tranquille. Faut pas que ça pète. Ça suffit comme ça. Surtout qu’on a déjà eu les ayatollahs marxistes iraniens qui sont venus se faire flamber devant le siège de la DST. Et donc on compte sur vous pour tout régler dans les plus brefs délais et arrêter ce dingue au couteau.
Le commissaire Antoine était à présent dans ses petits souliers. Il recevait cinq sur cinq et assurait M. le sous-directeur de l’efficacité de son service et de la haute compétence du capitaine Isabelle Cavalier de la Criminelle en charge du dossier. Qu’on allait multiplier les planques et monter des traquenards pour arrêter ce salopard au plus tôt. Qu’il renouvelait ses excuses, etc.


© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.

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