En cette fin d’année, préparons-nous à aborder la nouvelle – qui sera nécessairement formidable (de toute façon ce ne peut pas être pire) – par un récit plus léger que le précédent qui traitait de dérive échangiste dans les beaux quartiers de notre capitale.
Jean-Raymond Poilot a tout pour être heureux : son petit trafic est prospère et il vit avec sa maman. Mais tout bascule au décès de celle-ci dès les retrouvailles avec « la Bernique », sa sœur commissaire de police à Nantes et flic ripou, épouse de René Bellou, également commissaire, tous deux mêlés à un trafic de drogue.
Que peut un honnête trafiquant seul face à l’hostilité conjuguée des narcos colombiens et de la mafia albanaise, surtout si les Stups et la Crim se mettent de la partie ?
Chapitre 1
Il y avait un bail que je n’avais vu ma sœur.
Ma cadette de trois ans.
Perrine-Charlène, un nom pas possible pour une fille. Mais ma sœur est si conne et si imbue d’elle-même qu’elle l’a toujours porté avec hauteur, fierté même.
– Il est unique, mon prénom, qu’elle dit.
Ma sœur n’est pas rancunière à l’égard de notre génitrice commune. Pourtant, ma mère lui a rebattu les oreilles durant toute son enfance en lui répétant qu’elle aurait préféré un second garçon.
Moi, pas. Je voulais une petite sœur. Mais, rétrospectivement, j’aurais préféré un frère.
Bref, ma mère attendait un garçon – c’était il y a cinquante ans et on ne décelait pas le sexe des fœtus aussi tôt que maintenant – et souhaitait l’appeler Pierre-Charles. D’où le prénom dont elle a affublé ma frangine pour rester dans l’idée générale.
Mais je ne l’ai jamais encaissé, ni le prénom ni la frangine.
Alors je l’appelle « la Bernique » depuis sa pré-ado.
Ça lui colle parfaitement. C’est même en quelque sorte un résumé ou une synthèse.
Ingrate et indécollable, qu’elle est.
Coluche, avec elle, il aurait fait marrer la France entière. Mais nous, à la maison, elle ne nous a jamais tellement fait rire.
Elle a toujours été hautaine et chiante. Pourtant, elle ne dépasse pas le mètre cinquante-deux. Il paraît que c’est lié et que c’est pour compenser, d’après les psys.
Elle a le nez écrasé comme un boxeur, le popotin qui part en arrière et pas plus de poitrine que moi. Mais ce n’est peut-être pas une bonne comparaison, vu qu’à cinquante-quatre ans j’en ai développé un peu. Oh ! pas grand-chose. Pas de quoi mettre un sous-tif, quand même.
Bref, l’essentiel, c’est qu’elle ne se soit pas reproduite.
C’est moi qui ai assuré la descendance familiale. Un garçon de trente et un ans et une fille de vingt-neuf.
Ma fille, je l’adore, mais qu’est-ce que j’ai pu flipper lorsque j’ai su que ma femme attendait une fille. L’angoisse absolue. La crainte que ma sœur ne se retrouve clonée par une de ces vacheries de l’hérédité.
Mais, Marion, ma fille, elle est superbe. Un mètre soixante-dix-huit, cinquante-six kilos, un visage à la Botticelli. Avec un brillant avenir d’executive woman devant elle.
Je préfère quand même plutôt être son père que son copain. Enfin, l’actuel, je veux dire. Car, Marion, c’est une vorace. Une mangeuse d’hommes. Mais je ne sais pas de qui elle tient ça. Sa mère, elle, était plutôt popote. Pas le genre feu au cul. Elle était sortie indemne de Mai 68. Vierge, je veux dire. Bon, c’est vrai, ça ne veut rien dire. D’ailleurs, elle a réussi à se remarier quand je l’ai plaquée à l’abord de la cinquantaine, pour mon quarante-huitième anniversaire.
Pour une plus jeune, bien sûr. L’erreur de ma vie. Elle, elle voulait plein de mômes et ne voyait en moi qu’un parfait reproducteur. L’étalon, que j’étais. Ça m’a bloqué et j’ai fui au bout de trois ans de corrida. L’année de mes cinquante et un ans. Chez ma mère qui venait de se retrouver veuve. Et chez qui je vis donc depuis trois ans. Mais, avec maman, on ne s’est jamais gênés. Elle a un quatre-pièces – enfin, nous avons – et nous coexistons sans problème. Je fais la vaisselle et passe l’aspirateur. Elle, elle s’occupe de mon linge et de la préparation des repas. Les courses, nous les faisons ensemble depuis qu’elle n’est plus bien vaillante.
Enfin, faisions. Car elle vient de partir. « Partir » ? Quel terme impropre pour désigner la mort.
C’est bien simple, quand j’ai téléphoné à ma sœur pour lui annoncer : « Maman est partie », elle a cru qu’elle m’avait plaqué. Mais ma sœur a toujours été une peau de vache et elle a toujours été jalouse de moi parce que j’étais le préféré de maman.
Mon fils, lui, il a été loupé. Je ne sais pas si c’est à cause de sa mère ou de moi.
Un mètre soixante-dix, agressif et binoclard. La préfectorale, qu’il a choisi. Une sorte de Jospin boule de nerfs.
Je dis « Jospin », car mon fils a été trotskiste dans sa jeunesse. Mais il n’a pas viré socialiste. Il est « sarkozyste ». Par ambition et conviction. Moi, de toute façon, je ne discute plus avec lui depuis longtemps. Je lui laisse ses illusions.
Il a fait un « beau » mariage l’année dernière, mais il ne pense pas encore à se reproduire. Pour moi, ça ne presse pas. Mais j’aimerais bien que ma fille, elle, se décide. Plutôt avec son prochain copain qu’avec l’actuel. Il est black. Oh ! ce n’est pas que je sois raciste. La preuve, c’est que j’accepterais même que le futur géniteur de mes petits-enfants soit juif. Enfin, je crois que je m’y ferais.
En tout cas, plus facilement qu’à ma frangine, la Bernique. Avec elle, c’est irrémédiable. Du conflictuel à l’état pur.
J’appréhende déjà l’enterrement de notre mère qui repose pour l’instant au funérarium de l’hôpital sur son caisson réfrigéré.
– Il faut vous dépêcher ! qu’ils m’ont dit quand j’ai refusé le croque-mort qu’ils voulaient m’imposer et demandé un délai pour consulter ma sœur.
Pourtant, ce n’est pas la bousculade de la canicule de l’été dans leur frigo. Mais ça a l’air de les avoir vachement traumatisés.
– C’est qu’elle se décompose vite, ont-ils ajouté pour tenter de me forcer la main.
J’ai failli leur répondre que je n’avais pas encore vu d’asticots.
Mais, c’est vrai, maman, elle était déjà décomposée avant de mourir avec son cancer des intestins qui avait débordé sur les autres entrailles. Et, bon Dieu, qu’est-ce que ça pouvait puer ! Et qu’est-ce que ça a pu être longuet ! Maman, elle a été bougrement résistante, tellement ils l’avaient dopée à la morphine. Comme s’obstinant à vouloir gagner une course à reculons perdue d’avance.
– Elle est encore là ? s’étonnaient ses derniers et rares amis. Quelle force de caractère…
Non, mais maman a toujours été têtue. Elle voulait sans cesse avoir le dernier mot. Sur tout et sur rien. Avec qui que ce soit. Papa en particulier.
Moi, à la longue, j’en avais pris mon parti, sinon notre coexistence eût été impossible, même dans un quatre-pièces. Alors ça rentrait par une oreille et ça sortait par l’autre. Ça restait un bruit de fond. Comme le grésillement du poste à galène de mon enfance que mon père m’avait offert pour mes sept ans. Mais c’était quand même chiant. « La Galène », que j’avais surnommé ma mère.
Pourtant, c’est curieux, le silence absolu me pèse à présent. La Galène me manque. Je suis obligé de laisser la télé ou la radio allumées son baissé pour ne pas perdre tous mes repères maintenant que maman est « partie ».
Et l’appartement me paraît immensément vide. Mais, là, je ne devrais pas trop m’en plaindre car ça risque de ne pas durer. Ma sœur arrive demain matin de Nantes pour « prendre les dispositions ».
Ça risque d’être rude.
Maman, elle voulait finir au four du Père-Lachaise.
– Ça évitera des frais de transport inutiles, qu’elle m’avait dit.
Son souhait, c’était que je jette ses cendres du haut du pont de Saint-Nazaire.
Moi, je n’avais pas voulu la contrarier. Ça ne se fait pas avec un mourant.
– Oui, maman. Bien, maman.
Pourtant, cela n’avait rien de pratique. Le pont, il est trop élevé pour balancer des cendres du haut sans en recevoir plein la gueule avec le vent. À moins de lâcher carrément l’urne dans le vide.
Ma sœur, elle, elle n’est pas d’accord avec les dernières volontés de notre mère. Elle m’a même accusé au téléphone de les avoir inventées de toutes pièces.
La Bernique a décidé de rapatrier le corps de maman à Pornic et de l’enterrer dans le cimetière du lieu.
– C’est là qu’elle est née, c’est là qu’elle reposera ! qu’elle m’a dit.
Faut dire que ma sœur, elle est habituée à être obéie au doigt et à l’œil.
Elle est commissaire de police principale à Nantes. Elle a tout un commissariat à elle toute seule à faire chier à longueur de temps. Elle mène ses troupes à la baguette.
Par nature et pour le rendement. Qui reste malgré tout le plus faible au niveau des statistiques de la délinquance de toute l’agglomération nantaise.
Même les délinquants ont préféré se tirer et changer de secteur.
Le plus curieux, c’est qu’elle ait réussi à se marier. Sur le tard, bien sûr. À quarante-quatre ans. Avec un flic des RG de deux ans son aîné qui s’était fait plaquer un an plus tôt par sa femme. René Bellou. Un Nantais qui avait une planque en or à la direction régionale des Renseignements généraux des Pays de la Loire comme commissaire mais qui, au bout de presque sept ans de mariage, a préféré s’expatrier il y a quelques mois en Corse* plutôt que de continuer à affronter sa femme, la Bernique. Mais il est de retour à la case départ depuis la mi-décembre. Il paraît même qu’il serait en pleine déprime. Lui qui était étranger à toute angoisse existentielle. C’est dire !
En fait, j’appréhende l’arrivée de ma sœur. Je n’ai guère d’arguments à lui opposer. Sinon d’ordre financier.
J’ai déjà baissé les bras.
Jean-Raymond Poilot a tout pour être heureux : son petit trafic est prospère et il vit avec sa maman. Mais tout bascule au décès de celle-ci dès les retrouvailles avec « la Bernique », sa sœur commissaire de police à Nantes et flic ripou, épouse de René Bellou, également commissaire, tous deux mêlés à un trafic de drogue.
Que peut un honnête trafiquant seul face à l’hostilité conjuguée des narcos colombiens et de la mafia albanaise, surtout si les Stups et la Crim se mettent de la partie ?
Chapitre 1
Il y avait un bail que je n’avais vu ma sœur.
Ma cadette de trois ans.
Perrine-Charlène, un nom pas possible pour une fille. Mais ma sœur est si conne et si imbue d’elle-même qu’elle l’a toujours porté avec hauteur, fierté même.
– Il est unique, mon prénom, qu’elle dit.
Ma sœur n’est pas rancunière à l’égard de notre génitrice commune. Pourtant, ma mère lui a rebattu les oreilles durant toute son enfance en lui répétant qu’elle aurait préféré un second garçon.
Moi, pas. Je voulais une petite sœur. Mais, rétrospectivement, j’aurais préféré un frère.
Bref, ma mère attendait un garçon – c’était il y a cinquante ans et on ne décelait pas le sexe des fœtus aussi tôt que maintenant – et souhaitait l’appeler Pierre-Charles. D’où le prénom dont elle a affublé ma frangine pour rester dans l’idée générale.
Mais je ne l’ai jamais encaissé, ni le prénom ni la frangine.
Alors je l’appelle « la Bernique » depuis sa pré-ado.
Ça lui colle parfaitement. C’est même en quelque sorte un résumé ou une synthèse.
Ingrate et indécollable, qu’elle est.
Coluche, avec elle, il aurait fait marrer la France entière. Mais nous, à la maison, elle ne nous a jamais tellement fait rire.
Elle a toujours été hautaine et chiante. Pourtant, elle ne dépasse pas le mètre cinquante-deux. Il paraît que c’est lié et que c’est pour compenser, d’après les psys.
Elle a le nez écrasé comme un boxeur, le popotin qui part en arrière et pas plus de poitrine que moi. Mais ce n’est peut-être pas une bonne comparaison, vu qu’à cinquante-quatre ans j’en ai développé un peu. Oh ! pas grand-chose. Pas de quoi mettre un sous-tif, quand même.
Bref, l’essentiel, c’est qu’elle ne se soit pas reproduite.
C’est moi qui ai assuré la descendance familiale. Un garçon de trente et un ans et une fille de vingt-neuf.
Ma fille, je l’adore, mais qu’est-ce que j’ai pu flipper lorsque j’ai su que ma femme attendait une fille. L’angoisse absolue. La crainte que ma sœur ne se retrouve clonée par une de ces vacheries de l’hérédité.
Mais, Marion, ma fille, elle est superbe. Un mètre soixante-dix-huit, cinquante-six kilos, un visage à la Botticelli. Avec un brillant avenir d’executive woman devant elle.
Je préfère quand même plutôt être son père que son copain. Enfin, l’actuel, je veux dire. Car, Marion, c’est une vorace. Une mangeuse d’hommes. Mais je ne sais pas de qui elle tient ça. Sa mère, elle, était plutôt popote. Pas le genre feu au cul. Elle était sortie indemne de Mai 68. Vierge, je veux dire. Bon, c’est vrai, ça ne veut rien dire. D’ailleurs, elle a réussi à se remarier quand je l’ai plaquée à l’abord de la cinquantaine, pour mon quarante-huitième anniversaire.
Pour une plus jeune, bien sûr. L’erreur de ma vie. Elle, elle voulait plein de mômes et ne voyait en moi qu’un parfait reproducteur. L’étalon, que j’étais. Ça m’a bloqué et j’ai fui au bout de trois ans de corrida. L’année de mes cinquante et un ans. Chez ma mère qui venait de se retrouver veuve. Et chez qui je vis donc depuis trois ans. Mais, avec maman, on ne s’est jamais gênés. Elle a un quatre-pièces – enfin, nous avons – et nous coexistons sans problème. Je fais la vaisselle et passe l’aspirateur. Elle, elle s’occupe de mon linge et de la préparation des repas. Les courses, nous les faisons ensemble depuis qu’elle n’est plus bien vaillante.
Enfin, faisions. Car elle vient de partir. « Partir » ? Quel terme impropre pour désigner la mort.
C’est bien simple, quand j’ai téléphoné à ma sœur pour lui annoncer : « Maman est partie », elle a cru qu’elle m’avait plaqué. Mais ma sœur a toujours été une peau de vache et elle a toujours été jalouse de moi parce que j’étais le préféré de maman.
Mon fils, lui, il a été loupé. Je ne sais pas si c’est à cause de sa mère ou de moi.
Un mètre soixante-dix, agressif et binoclard. La préfectorale, qu’il a choisi. Une sorte de Jospin boule de nerfs.
Je dis « Jospin », car mon fils a été trotskiste dans sa jeunesse. Mais il n’a pas viré socialiste. Il est « sarkozyste ». Par ambition et conviction. Moi, de toute façon, je ne discute plus avec lui depuis longtemps. Je lui laisse ses illusions.
Il a fait un « beau » mariage l’année dernière, mais il ne pense pas encore à se reproduire. Pour moi, ça ne presse pas. Mais j’aimerais bien que ma fille, elle, se décide. Plutôt avec son prochain copain qu’avec l’actuel. Il est black. Oh ! ce n’est pas que je sois raciste. La preuve, c’est que j’accepterais même que le futur géniteur de mes petits-enfants soit juif. Enfin, je crois que je m’y ferais.
En tout cas, plus facilement qu’à ma frangine, la Bernique. Avec elle, c’est irrémédiable. Du conflictuel à l’état pur.
J’appréhende déjà l’enterrement de notre mère qui repose pour l’instant au funérarium de l’hôpital sur son caisson réfrigéré.
– Il faut vous dépêcher ! qu’ils m’ont dit quand j’ai refusé le croque-mort qu’ils voulaient m’imposer et demandé un délai pour consulter ma sœur.
Pourtant, ce n’est pas la bousculade de la canicule de l’été dans leur frigo. Mais ça a l’air de les avoir vachement traumatisés.
– C’est qu’elle se décompose vite, ont-ils ajouté pour tenter de me forcer la main.
J’ai failli leur répondre que je n’avais pas encore vu d’asticots.
Mais, c’est vrai, maman, elle était déjà décomposée avant de mourir avec son cancer des intestins qui avait débordé sur les autres entrailles. Et, bon Dieu, qu’est-ce que ça pouvait puer ! Et qu’est-ce que ça a pu être longuet ! Maman, elle a été bougrement résistante, tellement ils l’avaient dopée à la morphine. Comme s’obstinant à vouloir gagner une course à reculons perdue d’avance.
– Elle est encore là ? s’étonnaient ses derniers et rares amis. Quelle force de caractère…
Non, mais maman a toujours été têtue. Elle voulait sans cesse avoir le dernier mot. Sur tout et sur rien. Avec qui que ce soit. Papa en particulier.
Moi, à la longue, j’en avais pris mon parti, sinon notre coexistence eût été impossible, même dans un quatre-pièces. Alors ça rentrait par une oreille et ça sortait par l’autre. Ça restait un bruit de fond. Comme le grésillement du poste à galène de mon enfance que mon père m’avait offert pour mes sept ans. Mais c’était quand même chiant. « La Galène », que j’avais surnommé ma mère.
Pourtant, c’est curieux, le silence absolu me pèse à présent. La Galène me manque. Je suis obligé de laisser la télé ou la radio allumées son baissé pour ne pas perdre tous mes repères maintenant que maman est « partie ».
Et l’appartement me paraît immensément vide. Mais, là, je ne devrais pas trop m’en plaindre car ça risque de ne pas durer. Ma sœur arrive demain matin de Nantes pour « prendre les dispositions ».
Ça risque d’être rude.
Maman, elle voulait finir au four du Père-Lachaise.
– Ça évitera des frais de transport inutiles, qu’elle m’avait dit.
Son souhait, c’était que je jette ses cendres du haut du pont de Saint-Nazaire.
Moi, je n’avais pas voulu la contrarier. Ça ne se fait pas avec un mourant.
– Oui, maman. Bien, maman.
Pourtant, cela n’avait rien de pratique. Le pont, il est trop élevé pour balancer des cendres du haut sans en recevoir plein la gueule avec le vent. À moins de lâcher carrément l’urne dans le vide.
Ma sœur, elle, elle n’est pas d’accord avec les dernières volontés de notre mère. Elle m’a même accusé au téléphone de les avoir inventées de toutes pièces.
La Bernique a décidé de rapatrier le corps de maman à Pornic et de l’enterrer dans le cimetière du lieu.
– C’est là qu’elle est née, c’est là qu’elle reposera ! qu’elle m’a dit.
Faut dire que ma sœur, elle est habituée à être obéie au doigt et à l’œil.
Elle est commissaire de police principale à Nantes. Elle a tout un commissariat à elle toute seule à faire chier à longueur de temps. Elle mène ses troupes à la baguette.
Par nature et pour le rendement. Qui reste malgré tout le plus faible au niveau des statistiques de la délinquance de toute l’agglomération nantaise.
Même les délinquants ont préféré se tirer et changer de secteur.
Le plus curieux, c’est qu’elle ait réussi à se marier. Sur le tard, bien sûr. À quarante-quatre ans. Avec un flic des RG de deux ans son aîné qui s’était fait plaquer un an plus tôt par sa femme. René Bellou. Un Nantais qui avait une planque en or à la direction régionale des Renseignements généraux des Pays de la Loire comme commissaire mais qui, au bout de presque sept ans de mariage, a préféré s’expatrier il y a quelques mois en Corse* plutôt que de continuer à affronter sa femme, la Bernique. Mais il est de retour à la case départ depuis la mi-décembre. Il paraît même qu’il serait en pleine déprime. Lui qui était étranger à toute angoisse existentielle. C’est dire !
En fait, j’appréhende l’arrivée de ma sœur. Je n’ai guère d’arguments à lui opposer. Sinon d’ordre financier.
J’ai déjà baissé les bras.
* Voir Corses toujours.
© Alain Pecunia, 2009
Tous droits réservés.
© Alain Pecunia, 2009
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