Chapitre 13
À dix-neuf heures ce mardi soir, Jean Ferniti retrouva Albert Papinski Chez P’tit Louis. Albert en était à son deuxième double pastis.
Drôle d’ambiance dans le bistrot. Tout le monde est au courant. La radio. Et la télé qui est branchée sur la chaîne régionale.
– Ben dis donc, Jeannot, il se passe de drôles de choses dans ta taule ! On dirait que notre tueur d’ici il a été faire un tour chez toi, trouva malin de dire le patron.
Avec tous les habitués qui se marraient.
– M’emmerdez pas ! répondit Ferniti mauvais. C’est pas la même chose. Ce serait passionnel. Une histoire de cul.
Ça tombait bien car le présentateur de la télé était en train d’émettre cette hypothèse évoquée par la police.
Albert Papinski restait morose. Il était pas assez con pour ne pas deviner. Et il aurait bien aimé être sur le coup de la rouquine dont on voyait à présent la photo sur l’écran.
Jean Ferniti avala d’un trait le double pastis que lui avait apporté la Simone.
Les uns et les autres le dévisageaient, comme s’il aurait pu avoir quelque chose à leur apprendre.
– On lève le camp ! lança-t-il à Papinski qui se leva de mauvaise grâce.
Ils sortirent dans un silence général.
Au bout de quelques pas, Albert se hasarda à dire :
– Quand même !
– Quoi quand même ? fit Ferniti, mauvais.
– On est ensemble sur ce coup. T’aurais pu m’en parler. C’était pas dans notre plan…
– Si, le coupa-t-il, c’est dans le plan. C’est un crime d’Arabe en plus. Ça s’est simplement passé ailleurs. Mais je ne pouvais pas te faire venir là-bas. C’était pas justifié.
– Mais ça n’a rien à voir avec la cité du Bonheur ! s’entêta Albert.
– Non. Mais comme ça, on élargit le champ de la tension. Ça donne une autre dimension à notre action. De locale, elle devient régionale. Fais-moi confiance ! conclut péremptoire Jean Ferniti.
Albert se taisait mais Ferniti sentait bien qu’il ruminait.
« Commence à me faire chier celui-là depuis qu’il s’est mis à penser ! se dit-il. Heureusement qu’à partir de vendredi je n’aurai plus besoin de lui. »
Il commençait à concevoir son élimination comme une éventualité. Pour qu’on ne puisse pas remonter à la source.
– Oui, reprit Papinski, mais ils vont peut-être faire un rapport avec toi qui habite ici et qui travaille là-bas…
Ferniti savait qu’il n’avait pas tout à fait tort. Mais le crime passionnel était si bien ficelé que ce ne serait pas un vrai problème.
– T’inquiète ! lui jeta-t-il en faisant un gros effort sur lui pour lui tapoter amicalement l’épaule. Ils vont conclure au crime passionnel.
Ils étaient arrivés au bas de l’escalier de Papinski.
– Allez ! on se retrouve demain, lui dit Jean en le quittant.
Au journal de vingt heures, on parla justement de crime passionnel.
La police supposait que la secrétaire du service et un des employés, Yvonnick Le Gallec, se retrouvaient parfois dans la réserve. Que Mohammed, amoureux de la secrétaire, les aurait surpris au tout début de leurs ébats. Que les deux hommes se seraient battus. Que Mohammed se serait saisi d’une barre et aurait fracassé le crâne Yvonnick. Qu’il aurait ensuite égorgé la secrétaire sous l’emprise d’une jalousie meurtrière.
– On a gagné, mon Titi ! cria de joie Jean Ferniti en allant tapoter la paroi du bocal. T’es le meilleur. Tu as encore trouvé la bonne réponse. Tiens ! t’as droit à une double ration.
Le poisson rouge boulimique se précipita sur sa nourriture.
Jean Ferniti le contempla avec attendrissement.
– On a assez fait pour aujourd’hui. Je vais pas t’ennuyer ce soir, mais il faudra que je te parle bientôt d’un autre problème, tu sais. Mon pote Albert Papinski. Il est de plus en plus juif.
© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.
À dix-neuf heures ce mardi soir, Jean Ferniti retrouva Albert Papinski Chez P’tit Louis. Albert en était à son deuxième double pastis.
Drôle d’ambiance dans le bistrot. Tout le monde est au courant. La radio. Et la télé qui est branchée sur la chaîne régionale.
– Ben dis donc, Jeannot, il se passe de drôles de choses dans ta taule ! On dirait que notre tueur d’ici il a été faire un tour chez toi, trouva malin de dire le patron.
Avec tous les habitués qui se marraient.
– M’emmerdez pas ! répondit Ferniti mauvais. C’est pas la même chose. Ce serait passionnel. Une histoire de cul.
Ça tombait bien car le présentateur de la télé était en train d’émettre cette hypothèse évoquée par la police.
Albert Papinski restait morose. Il était pas assez con pour ne pas deviner. Et il aurait bien aimé être sur le coup de la rouquine dont on voyait à présent la photo sur l’écran.
Jean Ferniti avala d’un trait le double pastis que lui avait apporté la Simone.
Les uns et les autres le dévisageaient, comme s’il aurait pu avoir quelque chose à leur apprendre.
– On lève le camp ! lança-t-il à Papinski qui se leva de mauvaise grâce.
Ils sortirent dans un silence général.
Au bout de quelques pas, Albert se hasarda à dire :
– Quand même !
– Quoi quand même ? fit Ferniti, mauvais.
– On est ensemble sur ce coup. T’aurais pu m’en parler. C’était pas dans notre plan…
– Si, le coupa-t-il, c’est dans le plan. C’est un crime d’Arabe en plus. Ça s’est simplement passé ailleurs. Mais je ne pouvais pas te faire venir là-bas. C’était pas justifié.
– Mais ça n’a rien à voir avec la cité du Bonheur ! s’entêta Albert.
– Non. Mais comme ça, on élargit le champ de la tension. Ça donne une autre dimension à notre action. De locale, elle devient régionale. Fais-moi confiance ! conclut péremptoire Jean Ferniti.
Albert se taisait mais Ferniti sentait bien qu’il ruminait.
« Commence à me faire chier celui-là depuis qu’il s’est mis à penser ! se dit-il. Heureusement qu’à partir de vendredi je n’aurai plus besoin de lui. »
Il commençait à concevoir son élimination comme une éventualité. Pour qu’on ne puisse pas remonter à la source.
– Oui, reprit Papinski, mais ils vont peut-être faire un rapport avec toi qui habite ici et qui travaille là-bas…
Ferniti savait qu’il n’avait pas tout à fait tort. Mais le crime passionnel était si bien ficelé que ce ne serait pas un vrai problème.
– T’inquiète ! lui jeta-t-il en faisant un gros effort sur lui pour lui tapoter amicalement l’épaule. Ils vont conclure au crime passionnel.
Ils étaient arrivés au bas de l’escalier de Papinski.
– Allez ! on se retrouve demain, lui dit Jean en le quittant.
Au journal de vingt heures, on parla justement de crime passionnel.
La police supposait que la secrétaire du service et un des employés, Yvonnick Le Gallec, se retrouvaient parfois dans la réserve. Que Mohammed, amoureux de la secrétaire, les aurait surpris au tout début de leurs ébats. Que les deux hommes se seraient battus. Que Mohammed se serait saisi d’une barre et aurait fracassé le crâne Yvonnick. Qu’il aurait ensuite égorgé la secrétaire sous l’emprise d’une jalousie meurtrière.
– On a gagné, mon Titi ! cria de joie Jean Ferniti en allant tapoter la paroi du bocal. T’es le meilleur. Tu as encore trouvé la bonne réponse. Tiens ! t’as droit à une double ration.
Le poisson rouge boulimique se précipita sur sa nourriture.
Jean Ferniti le contempla avec attendrissement.
– On a assez fait pour aujourd’hui. Je vais pas t’ennuyer ce soir, mais il faudra que je te parle bientôt d’un autre problème, tu sais. Mon pote Albert Papinski. Il est de plus en plus juif.
© Alain Pecunia, 2008.
Tous droits réservés.
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